Francfort, c’est la capitale de l’Euro. Mais le BVB est dirigé par un entraîneur venant de la patrie du franc fort, la Suisse et sa monnaie qui ne cesse de s’apprécier face à la devise européenne. Le Borussia a donc été en mesure de résister au combat imposé par un Eintracht déchaîné dans une ambiance survoltée. Un vrai match d’hommes forts, un après-midi de Bundesliga comme on les aime.
328. C’est le nombre de marches que compte le Kaiserdom St. Bartholomäus de Francfort. Forcément, une cathédrale qui honore le même saint que le village natal de notre entraîneur, nous ne pouvions nous dispenser de l’ascension. Nous arrivons au sommet avec le tournis après l’étroit escalier en colimaçon, mais la vue récompense largement l’effort, avec le Main, la vieille ville et son fameux Römer au premier plan, les gratte-ciels de la City en arrière-plan, la cime disparaissant dans la brume matinale de la Hesse. Et même un autocollant anti-GE au sommet du Dom, promis ce n’est même pas nous qui l’avons collé.
Je suis un peu jaloux de Francfort en ce moment. Pas à cause de ses buildings mais de l’atmosphère qui règne autour de son club de football.
Ils ont traversé pas mal de galère, des séjours en deuxième division mais ils commencent à renouer avec le succès depuis deux saisons, avec notamment la Pokal en mai dernier, le premier trophée du club depuis 30 ans. On y retrouve un peu l’ambiance qu’on avait connue lors de notre propre renaissance à partir de 2009, une sorte d’enthousiasme primesautier, l’innocence et l’insouciance de ceux qui reviennent de très loin et qui ont tout à gagner et rien à perdre, sans pression ni attentes, juste le plaisir de retrouver une équipe dont ils peuvent être fiers. Chez nous, malheureusement, c’est devenu un peu plus blasé, comme si le succès était normal, attendu et une ambiance moins authentique avec de plus en plus de clients attirés par la marque BVB.
Was für eine Stimmung !
Ceci dit, à Francfort, nous avons été à la hauteur. Si l’on fait abstraction du Derby, qui est hors-catégorie, la meilleure ambiance en déplacement cette saison avec Mayence, une autre ville située sur les rives du Main et par un pareil temps de bruine et de grisaille. D’un côté, près de 10’000 Borussen déchainés, en face 40’000 Frankfurter survoltés et en pleine euphorie, de la bière qui coule à flot, une vraie ambiance de Bundesliga comme on les adore, le genre de match qui te rappelle, si besoin était, pourquoi nous parcourons tous ces kilomètres tous les week-ends. Parfois, les chants claquaient tellement forts, d’un camp ou de l’autre, qu’on ne savait plus trop de quel côté ils venaient et les mélodies avaient tendance à entremêler. Génial. Et, cerise sur le gâteau, le match a été bon !
Euphorie à Francfort
J’avais quelques doutes sur la capacité de l’Eintracht à digérer sa victoire en Pokal, le charge de l’Europa League, le départ de son entraîneur à succès Niko Kovac et de plusieurs cadres de l’équipe comme Wolf, Boateng, Hradecky, Mascarell… mais SGE a parfaitement su encaisser le choc. L’Eintracht a sans doute l’un des projets les plus intéressants de Bundesliga à l’heure actuelle, c’est un club que l’on peut s’attendre à voir s’installer durablement dans le premier tiers de la hiérarchie allemande. Après des débuts compliqués (0-5 en Supercup, défaite en Pokal à Ulm), le nouvel entraîneur Adi Hütter a su prolonger et même améliorer le projet mis en place par son prédécesseur parti au Bayern : le jeu pratiqué est toujours aussi intense mais en plus l’équipe semble avoir gagné en qualité technique et en variété dans le jeu offensif.
Et ça fonctionne : SGE a survolé son groupe d’Europa League, devant notamment Lazio et Marseille, dans une incroyable liesse populaire, et fait désormais figure de candidat à une place en Ligue des Champions en Bundesliga. Adi Hütter est Autrichien (Adolf à l’état civil, drôle d’idée pour des parents nommés Hütter de prénommer son fils Adolf en Autriche…) mais comme Lucien Favre, c’est en Suisse qu’il a acquis la réputation qui lui a permis un jour d’accéder à la Bundesliga. Il a effet réussi l’incroyable exploit de ramener le titre de champion suisse aux Young-Boys de Berne, après 30 années sans le moindre trophée qui avaient valu aux jaunes et noirs de la capitale helvétique une réputation de losers absolus. Ce succès lui a permis de passer du siège de la Banque Nationale Suisse à celui de la Banque Centrale Européenne, où son équipe commence gentiment à faire peur.
L’estocade manquée
Et Francfort va effectivement nous faire peur en début de match. Après dix minutes, nous avions déjà scandé au moins trois fois le nom de notre ange-gardien suisse « Bürki, Bürki », notamment auteur d’un réflexe du pied salvateur. Pendant ce laps de temps, nous n’en menions pas larges, avec un pressing tout-terrain des Frankfurter et des attaques qui déferlaient en direction de notre but. Mais, peu à peu, notre jeu va se mettre en place. Notre circulation de balle va commencer à déjouer le pressing francfortois. Le BVB réalise vingt-cinq minutes de rêve. Et cela va se concrétiser par un but d’anthologie après une triangulation entre Witsel, Reus et Guerreiro, une percée de notre Portugais, l’homme en forme de ce début de deuxième tour, qui retrouve son capitaine pour une ouverture du score comme à l’entraînement. Splendide. Et les minutes suivant le but sont de la même veine. A trois reprises, le BVB a le 0-2 au bout du soulier. Notamment Marco Reus : notre capitaine ne cadre pas en arrivant seul devant Trapp puis allume la transversale alors que le but était grand ouvert devant lui. Le tournant du match. Car, quand tu chasses un rapace aussi dangereux que l’est actuellement l’aigle francfortois, il ne faut pas rater la cible quand tu l’as à portée de fusil. Sinon, la riposte de l’aigle peut être terrible et elle l’a été.
Les hommes forts
Car SGE possède aussi ses hommes forts. Avec son trio magique Rebic-Haller-Jovic mais aussi Danny da Costa, intenable samedi. Et Sebastian Rode. Le joueur qui nous appartient encore a été impressionnant de présence physique à mi-terrain, surtout pour quelqu’un qui a si peu joué ces dernières saisons. Tant mieux pour lui, c’est un chic type et on a quelques regrets sur cette blessure en finale de Supercup 2017 sans laquelle je suis persuadé qu’il aurait pu devenir un élément clé du dispositif de Peter Bosz. Toujours est-il que l’Eintracht, après avoir été au bord du gouffre dans les dix minutes suivants l’ouverture du score, va réagir. Un premier sauvetage de Bürki puis une latte, la pression monte et, dans l’enchaînement, Luka Jovic égalise d’une reprise acrobatique en extension sur un centre de da Costa. 1-1 à la mi-temps, on va se ravitailler en bières avec pas mal de regrets car le 0-2 était à vraiment à portée de fusil ; en plus, le Bayern mène à Leverkusen, ce n’est vraiment pas une bonne opération.
La bonne opération
La deuxième mi-temps est toujours aussi intense, l’ambiance toujours autant survoltée, un vrai combat. Mais les occasions sont beaucoup moins nombreuses, les deux équipes ont constaté à quel point l’adversaire pouvait être dangereux et sont un peu plus prudentes. Bürki se met à nouveau en évidence en détournant une frappe d’Ante Rebic. De notre côté, c’est Paco Alcacer qui a la ou plutôt les balles de match : mais il perd son duel avec Trapp puis voit son coup-franc passer juste au-dessus. L’Espagnol a manqué une nouvelle occasion de prouver à son entraîneur qu’il pouvait être plus utile à son équipe en jouant d’entrée plutôt qu’en entrant comme joker. Néanmoins, c’est plutôt un bon point car, en seconde période, l’Eintracht nous a paru plus tranchant et au final nous pouvons nous estimer heureux de repartir avec ce point. Ce d’autant plus qu’entretemps, le Bayer a renversé le score et le Bayern, 3-1, merci Peter Bosz, et une immense ovation dans le Waldstadion. Que nous quittons donc avec sept points d’avance sur la deuxième place.
Jokers intacts
Nous savons qu’en Bundesliga, nous pouvons perdre des points contre n’importe qui : notre seule défaite a été concédée contre Düsseldorf, nous avons perdu des plumes à Hanovre et failli en perdre contre Augsburg, trois équipe qui luttent contre la relégation. Néanmoins, il y avait quatre déplacements que nous redoutions plus que les autres dans ce deuxième tour, à Leipzig, Francfort, Munich et Mönchengladbach, soit tout simplement nos quatre poursuivants immédiats au classement. Nous en avons déjà passé deux, sans utiliser de joker, puisque notre avance est passée de six à sept points au classement. C’est donc un peuple jaune et noir heureux qui quitte le Waldstadion, heureux d’avoir assisté à un superbe match dans une ambiance magnifique, prélude à une soirée festive entre fans en ville de Francfort. Bien sûr qu’on rêve tous de gagner quelque chose en fin de saison mais au final, un trophée ce n’est rien d’autre qu’une ligne de plus sur un palmarès, le plus important c’est de pouvoir partager tous ces moments privilégiés de fête et d’émotions avec notre équipe et toute la famille schwarzgelbe sur les routes de Bundesliga. Il sera toujours temps de faire les comptes en fin de saison. Malheureusement, le bilan de la semaine est un peu terni par l’élimination en Pokal contre Brême, le premier vrai accroc de la saison. Mais, jusque-là, notre équipe a toujours montré qu’elle savait réagir après une déception, la victoire contre le Bayern après la défaite à Madrid, celle contre Gladbach après le revers à Düsseldorf. Inutile donc de préciser ce que nous attendons samedi contre Hoffenheim, surtout que nous avons quelques vieux comptes à régler avec le jouet de Dietmar Hopp.
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