Le Borussia Dortmund a fait le job contre Freiburg. Sans brio ni panache particuliers mais on continue d’engranger des points et de l’avance au classement. Idéal, avant d’aborder la mère de toutes les batailles : le Revierderby, le letzte Derby auf Kohle.
Avec Thomas Tuchel et Peter Bosz, le BVB était une voiture de course. C’était parfait pour tirer des longues lignes droites d’autoroute sur chaussée sèche. En revanche, dès que l’on arrivait sur des routes glissantes de montagne, c’était à chaque fois la sortie de route assurée ou presque. Et le problème, c’est que la Bundesliga, ce n’est pas qu’une longue autoroute rectiligne. Les chaussées glissantes et les routes sinueuses de montagne, nous y sommes. C’est cette période de l’année où la bruine s’abat, comme samedi, dans la grisaille du Ruhrpott, où les terrains deviennent lourds, où la fatigue et la répétition des matchs commencent à peser sur les joueurs et où les adversaires, en mal de points, commencent à serrer leur jeu. La bonne nouvelle, c’est que Lucien Favre semble en passe de réussir à faire de son BVB une équipe tout-terrain, capables d’affronter les rigueurs de l’hiver, là où un titre ne se gagne jamais mais peut très souvent se perdre. Normal pour un entraîneur suisse, peut-être, mais que notre équipe soit capable de résoudre sans trembler ou presque l’équation pas si facile que nous a posé le SC Freiburg est sans doute plus révélateur des possibilités de notre équipe cette saison que certaines démonstrations réussies contre des adversaires limités, style Stuttgart ou Nürnberg, en début d’automne.
Bis repetita
L’entraîneur de Freiburg, Christian Streich, est plutôt adepte d’un jeu ouvert et d’un pressing agressif. Mais c’est aussi un vieux renard : ce n’est pas pour rien qu’il est actuellement l’entraîneur en place depuis le plus longtemps sur un banc de Bundesliga : il s’est sans doute souvenu que la saison passée, il avait été le seul à pouvoir contenir le BVB irrésistible du début de saison, qui plus est à 10 contre 11, en posant le bus devant son but après l’expulsion de Yorick Ravet. Et il a sans doute remarqué à quel point la tactique ultra-défensive du FC Bruges nous avait fait déjouer quatre jours plus tôt en Coupe d’Europe. Il opte donc pour une tactique très prudente et nous constatons rapidement que ce match allait à nouveau tourner au jeu de patience pour nos Jungs. Avec toutefois un peu plus de rythme et de conviction que contre les Belges.
En silence
Pour ne pas aider, Freiburg gagne le toss et nous contraint à attaquer face à la Südtribüne en première mi-temps, on déteste cela. Et pour couronner le tout, c’était un week-end fédéral de boycott anti-DFB, avec une grève des chants en première période. C’est toujours étrange de voir le Westfalenstadion réduit à l’état de tombeau silencieux en mode Premier League ou Liga. Si je partage complètement le combat et les revendications qui motivent ces actions de boycott, je reste dubitatif sur le mode d’actions, surtout sur une durée aussi longue. Finalement, on pénalise surtout notre propre équipe. Un adversaire regroupé en défense, un stade silencieux, le moins que l’on puisse dire, c’est que la première mi-temps n’a pas mis le feu. Une reprise de Götze trop décroisée sur un centre de Sancho, une autre contrée après un service de Bruun Larsen et c’est à peu près tout ce que nous avons eu à nous mettre sous la dent pendant quarante minutes. On a déjà connu des soirées plus folles au Westfalenstadion…
Le coup de pouce de la chance
Et pourtant, nous allons quand même atteindre la pause avec un but d’avance. Jadon Sancho est accroché dans la surface ; après un temps d’hésitation l’arbitre indique le pénalty. Vu des tribunes, on a cru à une simulation, on pensait que M. Willenborg, qui arbitrait pour la première fois dans le Temple jaune, voulait s’attirer les bonnes grâces du peuple borusse mais non : Heintz a bien accroché notre prodige anglais, pénalty justifié donc et parfaitement transformé par Marco Reus. Cet avantage si laborieusement acquis, on a bien failli le perdre dans la minute suivante lorsqu’un coup-franc de Gondorf s’est écrasé sur la latte avant de rebondir juste devant la ligne. Ce sera la seule occasion fribourgeoise de l’après-midi mais quelle occasion ! Ouf. On dira que c’est la chance du leader.
Le temps passe…
Après la pause, les chants sont de retour mais le match ne décolle toujours pas. Les Breisgauer sont toujours aussi timorés et nos Jungs peinent à se mettre à l’abri. On sent un peu de fatigue dans notre équipe, à l’image d’un Witsel moins rayonnant et avec moins d’impact qu’il y a quelques semaines. Reus échoue devant Schwolow, Piszczek ne trouve que l’angle du but sur sa frappe mais ce furent à peu près nos seules occasions de vibrer. Pourtant, nous avions reconstitué dans mon Block la lignée magique, Deborah, Karli, Agniezka, Grzegorz, leur fils et moi-même, qui avions vécu ensemble les grandes émotions des années 2011-2013, ce n’était pas toute à fait la même émeute samedi. A l’époque, le fils de Grzegorz et Agniezka n’étaient qu’un nourrisson dans les bras de ses parents, il ne se souvient certainement pas qu’il a déjà vécu la folie d’un Meisterschale dans cet endroit ; aujourd’hui il a bien grandi, il a tout l’attirail du fan dortmundois et peut-être que c’est en enchaînant des Arbeitsieg comme celle de samedi qu’il pourra revivre les mêmes émotions que jadis.
Wir wollen den Derbysieg
En fin de match, les Breisgauer se décident enfin à prendre un peu plus de risques. Et cela ne pardonne pas contre nos flèches : Jadon Sancho passe en revue toute la défense adverse d’un solo époustouflant, centre pour Piszczek qui offre un caviar à Paco Alcacer, revenu à son rôle de joker, pour le but de la sécurité. On jouait la 91ème… Nous avions à peine terminé de célébrer le but avec Nobby, la victoire assurée, que déjà les « wir wollen den Derbysieg » retentissaient dans le Westfalenstadion. Bien sûr, on a engrangé trois points dans ce match piège contre Freiburg, on continue d’avancer mais tous les esprits étaient déjà tournés vers le Derby de samedi à la Turnhalle d’Herne-West. On a toujours les deux Derbys de la saison passée en travers de la gorge : le 4-4 du match aller avec la remontée invraisemblable des Blauen en deuxième mi-temps et la défaite sans combattre du retour. Et puis les trois Derbys précédents disputés là-bas, une défaite et deux nuls frustrants où l’on avait eu l’impression que Tuchel avait tellement voulu dépassionner le Derby au profit de considérations tactiques que notre équipe n’avait pas su laisser parler les émotions, la passion et la folie du Revierderby (surtout en 2016 où plusieurs titulaires avaient été laissés au repos en prévision du match contre Liverpool à Anfield, en vain).
Letzte Derby auf Kohle
Dans un Derby, on oublie le classement, nos 19 points d’avance sur les Blauen. C’est juste un combat. Et celui-là plus que tous les autres : c’est le letzte Derby auf Kohle, le dernier Derby du charbon. En effet, le 21 décembre prochain, la dernière mine d’extraction de houille du Ruhrpott, la Bergwerk Prosper-Haniel à Bottrop, fermera ses portes. Passé cette date, la Ruhr ne sera plus une terre de mineurs. Une page à la fois glorieuse et tragique va se tourner. Or, le Revierderby, c’est le Derby du charbon, de la mine. Revier, cela signifie le territoire, la région minière mais aussi le dernier filon du fond de la mine. Après cela, plus rien ne sera jamais plus comme avant. La cessation de l’extraction minière dans le Pott marque la fin d’une époque, celle des Kumpel (le camarade de la mine) et du Glück auf (le salut du mineur) qui ont forgé l’histoire du Revierderby. Bien sûr, cela fait déjà trente ans que le Ruhrpott a entamé sa mue et sa reconversion et il y aura toujours un Derby, une rivalité acharnée avec les Blauen mais, symboliquement, l’équipe qui gagnera samedi restera comme la dernière vainqueur du Derby de la mine. Pour l’éternité. Pour la perdante, en revanche, il n’y aura pas de rémission possible. Alors plus que jamais, il n’y qu’un seul mot d’ordre pour samedi : Derbysieg !!!
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