Un vieux stade historique en chantier, près de 17’000 fans, une ambiance de feu entre deux Traditionsvereine, des Pyros, un Choreo : la Dritte Liga, ça fait parfois rêver. Plongée dans un football tout ce qu’il y a de plus authentique. Et à la fin c’est Munich qui perd…
Le Wildparkstadion. Littéralement le stade du parc sauvage car il est situé dans le parc somptueux du château de Karlsruhe. C’est l’un des derniers stades allemands de l’ancienne génération, un stade en arrondi, ouvert aux quatre vents avec beaucoup de places debout non couvertes. C’est l’un des derniers témoins d’une époque révolue. Ou plutôt c’était. Car le Wildparkstadion a tiré officiellement sa révérence le 3 novembre au cours d’un match entre le Karslruher SC et les Würzburger Kickers. C’en effet à cette date-là qu’ont débuté les travaux de reconstruction du stade. La rénovation du Wildparkstadion, c’est un vieux serpent de mer : on en parlait déjà lors du dernier passage du KSC en Bundesliga, entre 2007 et 2009. Mais, entre hésitations politiques, votes populaires et recours, le projet a pris beaucoup de retard. Et la relégation du KSC en 2009, à laquelle le BVB a d’ailleurs peu contribué en dépouillant le club de ses deux stars d’alors Giovanni Federico et Tamas Hajnal, n’a pas accéléré le processus. Le dernier match de Karslruhe dans l’élite du football allemand, c’était une victoire 4-0 contre le Hertha Berlin, une drôle d’histoire car les fans des deux clubs sont liés par l’une des plus solides amitiés du football germanique mais ce jour-là le résultat n’avait fait que des malheureux : cette victoire n’empêchait pas la relégation du KSC mais elle privait le Hertha de Lucien Favre d’une place en Ligue des Champions.
Un peu d’histoire…
Depuis, le KSC, limité dans ses ressources par la vétusté de son stade, végète entre Zweite et Dritte Liga, une place peu conforme à son passé de vieille Traditionsverein du foot allemand. Certes, le club ne compte qu’un seul titre à son palmarès, en 1909 sous le nom de FC Phönix. Il a également joué la finale du championnat d’Allemagne en 1956 à Berlin 2-4 contre le Borussia Dortmund, notre premier titre. Et puis, Karlsruhe, c’est aussi l’un des plus grands exploits européen de l’histoire du foot allemand : une victoire 7-0 en Coupe UEFA 1993-1994 contre le Valence de Guus Hiddink, après avoir perdu 1-3 à l’aller. Les exploits de l’improbable Edgar Schmitt (auteur d’un quadruplé ce soir-là), Manfred Bender (père de Sven, qui lui doit son surnom), Slaven Bilic, Sergey Kiryakov et autres Valeri Schmarov résonnent encore dans les travées du Wildparkstadion ; cette année-là, le parcours du KSC ne s’était arrêtée qu’en 1/2 finale… Depuis, Karlsruhe court après sa gloire passée : en mai 2015, il croyait bien tenir son retour en Bundesliga lorsqu’il menait 1-0 à la 90ème en barrage de promotion retour contre le SV Hambourg après avoir obtenu le nul 1-1 à l’aller au Volksparkstadion. Mais un coup franc inexistant dans les arrêts de jeu l’ont embarqué dans une prolongation fatale. Un échec très mal vécu car, deux ans plus tard, le KSC était relégué en Dritte Liga où il végète encore.
En chantier
Le nouveau stade devrait lui permettre de remonter dans la hiérarchie. Il a finalement été décidé de reconstruire le nouveau Wildpark, une enceinte moderne de 34’000 places entièrement couvertes, sur le site de l’ancien. Et pour que le KSC puisse continuer à jouer dans son antre mythique pendant les travaux, la reconstruction va s’effectuer tribune par tribune. Les gradins derrière un but, là où se tenaient habituellement les ultras de Karslruhe, ont déjà été détruits mais les trois autres tribunes sont toujours en place, ce qui permet encore de profiter un peu de cette arène chargée d’histoire. C’est clair que le KSC va au-devant de quelques saisons de transition en attendant de pouvoir jouir de son nouvel écrin mais, cette saison, il est déjà en position de jouer l’ascension en Zweite Liga.
Le conte de fées munichois
L’adversaire du jour, c’est la seule Traditionsverein de Munich, 1860. Les Löwen ont évolué durant de longues saisons en Zweite Liga mais, en proie à des difficultés financières, ceux-ci ont décidé de faire confiance en 2011 à un investisseur jordanien, Hasan Ismaik, qui leur promettait des rêves de grandeur, retour en Bundesliga, Ligue des Champions etc. Sauf que les fans historiques se sont toujours méfiés de leur bienfaiteur présumé et, grâce à la règle 50+1, ont toujours refusé de lui confier la majorité des voix au sein du club. Les relations se sont tendues et, après moult péripéties, le club a été relégué en Dritte Liga en 2017. Et du coup perdait l’argent des droits TV de la Zweite Liga. Dès lors, il lui fallait obtenir plusieurs millions pour obtenir la licence de Dritte Liga, l’investisseur déçu a refusé de mettre la main au porte-monnaie et les Löwen ont été renvoyés en Regionalliga, faute de licence.
Une tragédie ? Au contraire : une bénédiction. Les fans ont obtenu ce qu’ils réclamaient depuis des années : quitter le tombeau sinistre de l’Allianz Arena pour retrouver leur stade historique de la Grünwalder Straße, beaucoup plus convivial et mieux situé. Jusque-là, la ville de Munich, propriétaire des lieux, avait toujours refusé d’entreprendre les travaux nécessaires à la mise du stade aux normes de la Zweite Liga, sur pression du Bayern, propriétaire de l’Allianz Arena, qui ne voulait pas perdre les loyers payés par son voisin. Mais en Regionalliga (et en Dritte Liga), les normes sont moins strictes et 1860 a pu retrouver sa maison. Depuis, c’est la fête : 1860 München joue tous ses matchs à guichets fermés dans une grande liesse populaire et il a fêté son retour en Dritte Liga en mai dernier après un barrage épique contre le FC Saarbrücken.
C’est qui le chef ?
En arrivant au stade, je suis abordé par des ultras locaux pour une collecte pour financer le Choreo et le formidable spectacle pyrotechnique qui ont marqué les adieux du Wildparkstadion. Je contribue volontiers et je reçois des photos du spectacle en remerciements. Dans le stade, on joue le Badnerlied, l’hymne du Pays de Bade, qui est beaucoup plus légitime et bien mieux repris qu’à Hoffenheim où il est également diffusé. L’ambiance est splendide. Trois mille fans des Löwen ont fait le déplacement, c’est moins qu’en ouverture de saison à Kaiserslautern où ils étaient 15’000 pour fêter leur retour en Dritte Liga, mais ça reste très respectable. Et ils font un boucan d’enfer, rien à voir avec les clients blasés et passifs du Bayern. Du côté des fans du KSC, une banderole prétend que le « Chef der Liga ist nur KSC », ce à quoi les fans munichois répondent par un splendide Choreo au milieu des Pyros « Chef der Liga ». C’est toujours un plaisir de s’immerger dans ses ambiances déjantées de Dritte Liga.
Dans tous les sens
Le match va démarrer sur les chapeaux de roue : après moins de quatre minutes, le KSC ouvre le score sur un corner de Manuel Stiefler repris par Anton Fink. Pourtant, la maîtrise est plutôt munichoise mais les locaux sont beaucoup plus tranchants et sont même tout près de doubler la mise sur deux essais mal cadrés. 1860 va tout de même égaliser sur un corner repris par Simon Lorenz peu avant la demi-heure mais la joie munichoise sera de courte durée. Dans la minute suivante, le ballon revient sur le buteur local Marvin Pourié qui marque en force. Marvin Pourié, c’est un pur Westphalien, de Werne an der Lippe (un jour, je te parlerai de la Sim Jü, la grande fête populaire de Werne), passé par les juniors du BVB, avant d’entreprendre une carrière improbable : les réserves de Liverpool, Schalke, des escales au Danemark, en Suède, en Belgique, en Russie, avant de devenir, à seulement 27 ans, le buteur du KSC. C’est un autre espoir déçu du foot allemand, David Pisot, qui n’a pas réussi à s’imposer en Bundesliga après des débuts prometteurs au VfB Stuttgart qui inscrit le 3-1, en profitant d’en renvoi hasardeux du poing du gardien munichois Marco Hiller.
Puisqu’on parle du gardien de Sechzig, c’est l’occasion de prendre des nouvelles de notre ancien troisième gardien, Hendrik Bonmann, qui avait rejoint les Löwen à l’été 2017 : pour sa première saison à Munich, l’entraîneur Daniel Bierofka, une ancienne gloire du club, lui avait préféré Hiller et c’est depuis le banc qu’Hendrik avait assisté à la promotion de son équipe. Mais au début de cette saison, Bierofka avait rouvert la concurrence entre ses deux portiers et notre ancien gardien avait réussi à s’imposer comme titulaire, de manière plutôt convaincante. Malheureusement, une blessure aux ligaments du genou contractée lors de la sixième journée contre Cottbus le tient éloigné des terrains pour de longues semaines. Pour en revenir au match, ça fait 3-1 à la mi-temps, c’est de la Dritte Liga comme on l’aime : ce n’est pas toujours très technique mais il y a de l’engagement, ça part dans tous les sens et c’est très vivant.
La magie du Wildpark
Après la pause, durant laquelle on déguste une Feuerwurst un peu décevante, les Löwen font entrer leurs deux jokers Mölders et Lex ; ils alignent donc trois attaquants passés par la Bundesliga pour tenter de revenir : Sascha Mölders (ex-Augsburg), Stefan Lex (ex-Ingolstadt) et Adriano Grimaldi (ex-Mainz et Düsseldorf). Ceux-ci ne tardent pas à se montrer dangereux avec trois occasions en début de deuxième mi-temps.
Mais ensuite, le KSC a plutôt bien géré son avantage et aurait même pu aggraver la marque mais Fink, Pourié et Lorenz ne trouvent pas le cadre. Du coup, Karlsruhe se fait une ultime frayeur lorsque 1860 réduit la marque à la 91ème après une remise de Mölders pour la tête de Grimaldi. Mais les Munichois n’auront pas le temps de se créer une ultime occasion d’égaliser, le KSC a réussi à geler le ballon dans les dernières minutes et aurait même dû inscrire le 4-2 si Pourié n’avait pas galvaudé une occasion en or.
Peu importe : avec cette victoire 3-2, le KSC monte sur le podium, avec quatre points de retard sur le leader Osnabrück et à égalité avec le deuxième Münster, un point devant l’ambitieux Uerdingen de Kevin Großkreutz et deux devant Unterhaching et Halle. C’est dire si la lutte s’annonce serrée dans cette Dritte Liga pour les deux places de promu direct et la place de barragiste. Néo-promu, 1860 München ne se mêlera pas à la lutte mais il devrait pouvoir assurer son maintien sans trop de difficultés, même si le classement reste très serré dans cette Dritte Liga. Les 16’477 supporters (moins les 3000 fans des Löwen) pouvaient célébrer leur équipe : même dans un stade en reconstruction, le KSC est toujours là, la magie du Wildpark vit toujours.
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