La venue du FC Bruges au Westfalenstadion rappelle une page sombre de notre Histoire. C’était le 27 août 2003 et le BVB, où commençait à apparaître de grosses difficultés financières, a absolument besoin d’une qualification pour la Ligue des Champions contre les Belges pour renflouer ses caisses. Las, une série de tirs au but ratée et les millions de la Königsklasse s’envolaient. Le début de la descente aux enfers…
Après la victoire en Ligue des Champions 1997, les dirigeants du Borussia Dortmund, le président Gerd Niebaum et le manager Michael Meier, sont un peu tombés dans la folie des grandeurs. Transferts onéreux, entrée du club en bourse, agrandissement du stade : à l’époque, on parlait déjà d’une Super League, avec le sinistre G14, et nos dirigeants voulaient absolument en être. On ne regardait pas trop à la dépense pour absolument s’arrimer au wagon des plus grands clubs d’Europe. « Kohle statt Kohle », était la devise en vogue parmi les sphères dirigeantes du Borussia, le fric plutôt que le charbon. Si cette stratégie a permis d’obtenir quelques succès, notamment le Meisterschale en 2002 et une finale de Coupe UEFA la même année (perdue contre Feyenoord), elle a aussi vidé les caisses du club. Une organisation de mineurs et d’ouvriers de la Ruhr industrieuse, qui avait jusque-là toujours fondé son succès sur le travail et l’humilité, ne peut pas se transformer d’un coup de baguette magique en mastodonte financier du football européen. Et, en 2003, les premiers problèmes financiers commencent à apparaître. Le BVB compte dès lors sur le pactole que doit ramener une qualification en Ligue des Champions pour se redonner un peu d’air financièrement. Cela tombe bien : à une journée de la fin de la saison 2002-2003 de Bundesliga, le BVB, deuxième du classement, peut assurer sa qualification pour les phases de groupe de la Königsklasse et le magot qui va avec en battant le modeste Energie Cottbus au Westfalenstadion lors de la dernière ronde. Une formalité, surtout que Tomas Rosicky ouvre le score en début de match. Mais catastrophe : les Lausitzer égalisent à quinze minutes de la fin et le grand BVB, fier membre du G14, concède le nul contre Cottbus et doit céder la deuxième place et la qualification directe pour la Ligue du Pognon au VfB Stuttgart.
Des antécédents funestes
Le Borussia doit donc passer par un tour préliminaire pour assurer sa place en C1. Le tirage au sort nous désigne les Belges du FC Bruges comme adversaire. Pas facile, la différence des droits TV entre l’Allemagne et la Belgique n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui, mais quand même largement abordable. Toutefois, Bruges, celà nous rappelait l’un des pires souvenirs de notre histoire européenne. En 1987-1988, lors du huitième de finale aller de la Coupe UEFA, nos Borussen pensaient bien avoir fait le plus dur en s’imposant 3-0 au match aller au Westfalenstadion grâce à des buts de Frank Mill (deux fois) et Ingo Anderbrügge. Mais le match retour en Belgique tourne au cauchemar : Jan Ceulemans et les frères Leo et Franky Van der Elst font chavirer le BVB. 3-0 après 90 minutes, 5-0 après prolongations, Dortmund est éliminé. On ne sait pas si, quinze ans après, nos Jungs étaient encore tétanisés par ce funeste souvenir. Toujours est-il qu’ils foirent complètement leur première mi-temps au match aller au stade Jan-Breydel et rentrent aux vestiaires avec deux buts de retard après les réussite de Nastja Ceh et Gert Verheyen. Ils relèvent toutefois la tête après la pause et, en réduisant la marque en début de deuxième mi-temps, le buteur brésilien Marcio Amoroso préserve l’essentiel avec une courte défaite 2-1 qui permet d’envisager une qualification au retour au Westfalenstadion.
Ambiance pesante
Compte tenu des enjeux financiers, la pression est maximale sur l’entraîneur Matthias Sammer et ses joueurs. La manager Michael Meier a déclaré que la qualification était « incroyablement importante » pour l’effectif le plus onéreux de l’histoire du club. Pour ajouter à cette ambiance pesante, au lendemain du match aller, l’une des légendes du club, Lothar Emmerich, est décédé d’un cancer. On ne le savait pas encore mais le BVB venait d’entrer dans l’une des périodes les plus sombres de son Histoire où il a lui aussi bien failli disparaître. Pourtant, le match retour débute idéalement ; après moins de 180 secondes de jeu, le gardien croate de Bruges Tomislav Butina est trompé par un rebond sur une passe en retrait et Marcio Amoroso en profite pour marquer dans le but vide. 1-0, le BVB est qualifié à ce moment-là du match grâce au but marqué à l’extérieur, le Westfalenstadion respire.
Ewerthon le sauveur
Mais, malgré sa domination, le Borussia ne parvient pas à inscrire le deuxième. Et, peu avant la demi-heure, le Péruvien Andrés Mendoza égalise d’un coup-franc qui transperce le mur, juste devant l’autre mur jaune, celui de la Südtribüne. La qualification rechange de camp et repasse en mains belges. S’ensuit alors un long siège du but de Butina mais le gardien croate se rachète bien et les Koller, Amoroso et autres Rosicky peinent à trouver le cadre. L’ambiance devient crispante au Westfalenstadion. L’entraîneur Sammer est contraint de jouer le tout pour le tout et fait entrer ses jokers Ewerthon et Fernandez. Et finalement, comme en 2002 pour le Meisterspiel contre Brême, c’est le Brésilien Ewerthon qui va jouer (provisoirement cette fois) les sauveurs en inscrivant le 2-1 de la tête à quatre minutes de la fin pour arracher les prolongations.
Maudits pénaltys
Le BVB va faire le forcing durant les prolongations pour s’éviter une séance de tirs au but sous très haute tension, compte tenu des enjeux financiers. En vain. Bruges tient bon et s’offre une séance de pénaltys avec à la clé un précieux et lucratif sésame pour la Ligue des Champions. Dortmund a l’honneur de tirer en premier et Matthias Sammer pense jouer la sécurité en envoyant d’abord son tireur le plus sûr, Marcio Amoroso. Catastrophe, l’envoi du Brésilien est magnifiquement détourné par Butina. Le portier croate ne s’arrête pas en si bon chemin puisqu’il sort également le deuxième pénalty schwarzgelb, celui du défenseur norvégien André Bergdölmo. Et les réussites de Jan Koller et Juan Fernandez n’y changeront rien. Le jeune gardien Roman Weidenfeller, fraîchement débarqué de Kaiserslautern et remplaçant le titulaire Jens Lehmann blessé, demeurera impuissant sur les quatre tentatives belges de Timmy Simons, Nastja Ceh, Olivier De Cock et Andrés Mendoza. Il n’est même pas nécessaire de tirer la cinquième et dernière salve de pénaltys : la réussite du Péruvien qualifie les Belges pour la Ligue des Champions après une série de tirs au but remportée 4-2. Comme en 1987-1988, le BVB est éliminé par le FC Bruges après un scénario cauchemardesque. Mais cette fois-ci, les conséquences sont autrement plus graves puisque cette élimination prive Dortmund des 30M € que lui auraient rapporté une qualification, une manne indispensable pour un club aux abois financièrement.
La descente aux enfers
La suite, on la connaît malheureusement. Le BVB ne pourra même pas se consoler avec son repêchage en Coupe UEFA puisqu’il sera lamentablement sorti au 2e tour par… l’AS Sochaux-Montbéliard (2-2 à l’aller au Westfalenstadion, défaite 4-0 au retour à Auguste-Bonal sur des buts de Pierre-Alain Frau, Santos, Wilson Oruma et Jérémy Mathieu). La suite ne sera qu’une longue descente aux enfers avec l’aggravation des problèmes financiers, la vente des meilleurs joueurs, le départ du duo Niebaum-Meier et un club virtuellement en faillite. Il faudra finalement le retour aux affaires du président Reinhard Rauball et la prise de pouvoir du caissier Hans-Joachim Watzke pour miraculeusement éviter la faillite, au prix d’une sévère cure d’austérité qui va éloigner durablement le club des sommets. Pour y revenir, comme d’habitude, quelques années plus tard car am Ende der dunkeln Gasse erstrahlt die gelbe Wand. Il est clair que le train de vie pharaonique mené par le duo Gerd Niebaum – Michael Meier amenait le club droit dans le mur et qu’on y serait sans doute aussi allé même en cas de qualification contre Bruges. Mais cette élimination contre les Belges a incontestablement précipité les difficultés financières et la longue descente aux enfers. C’est dire si notre BVB a quelques vieux comptes à régler avec ce FC Bruges…
Troisième tour préliminaire de la Ligue des Champions 2003-2004, 27 août 2003 :
Borussia Dortmund – Club Brugge KV 2-1 (1-1). Aller: 1-2. 2-4 tirs au but.
Westfalenstadion, 62’000 spectateurs.
Arbitre : M. Riley.
Buts : 3e Amoroso (1-0), 27e Mendoza (1-1), 86e Ewerthon (2-1).
Tirs au but: Amoroso (0-0, arrêt Butina), Simons 0-1, Bergdölmo (0-1, arrêt Butina), Ceh (0-2), Koller (1-2), De Cock (1-3), Fernandez (2-3), Mendoza (2-4).
Borussia Dortmund : Weidenfeller; Bergdölmo, Wörns, Madouni (75e Ewerthon), Dede; Reuter (86e Fernandez), Kehl, Rosicky, Addo; Amoroso, Koller. Entraîneur: Matthias Sammer.
Bruges: Butina; Clément, De Cock, Rozehnal, Van der Heyden; Englebert, Simons, Stoica (46e Ceh); S. Martens (82e Saeternes), Mendoza, Verheyen (114e B. Martens). Entraîneur: Trond Sollied.
0 commentaire