Une fois Hans-Joachim Watzke et Michael Zorc convaincus de la nécessite d’engager Jürgen Klopp à partir de la saison 2008-2009, il restait encore à convaincre l’intéressé. Car au moins quatre autres clubs de Bundesliga, et non des moindres, étaient intéressés par les services du jeune entraîneur de Mainz qui montait.
Nous sommes le 9 janvier 2008 à Marbella où le FSV Mainz effectue son camp de préparation en vue de son deuxième tour en Zweite Liga. L’entraîneur Jürgen Klopp est à l’hôtel avec son manager Christian Heidel, lequel nous raconte la scène : « Le téléphone sonne, numéro inconnu. J’ai tout de suite vu que c’était important. Kloppo disait seulement « oui, oui ». Au bout du fil, c’était Uli Hoensess le manager du Bayern Munich. L’homme le plus puissant du football allemand appelait Klopp. Le Rekordmeister cherchait un successeur pour la saison suivante à la légende Ottmar Hitzfeld. Hoeness a dit : « Nous avons une grande solution internationale et une petite solution nationale. Vous êtes la solution nationale. Pouvez-vous vous imaginer entraîner chez nous si nous optons pour la solution nationale ? » « Oui, a répondu Klopp, intimidé, on peut en parler. » »
Pourtant, Christian Heidel savait que Jürgen Klopp n’était que le second choix du Bayern. Deux jours plus tard, Uli Hoeness rappelle : « Nous avons choisi un autre Jürgen » « Quel autre Jürgen ? » répond Klopp, pensant que le Bayern avait choisi la solution internationale, soit un grand entraîneur étranger. En fait, la « grande solution internationale », c’était Jürgen Klinsmann, qui vivait en Floride. Hoeness a encore ajouté : « Il est semblable à vous, M. Klopp ». Jürgen Klinsmann, la « grande solution internationale » d’Hoeness n’avait même pas fini la saison et laissé Wolfsburg s’envoler vers le titre…
Un autre club se montre alors intéressé par Jürgen Klopp : le 1. FC Köln. Kloppo s’en va même rencontrer le manager des Geissböcke Michael Meier, celui-là même qui avait conduit le BVB à la victoire en Ligue des Champions et, quelques années plus tard, à la faillite, à son domicile, en expliquant à son manager Heidel : « Je vais rencontrer Meier. Mais que tu saches ma décision. Cela m’intéresse simplement mais je ne veux pas y aller. » Heidel lui répond : « Vas-y, écoute-le, comme cela tu sauras comment c’est bien à Mainz. » Et effectivement, la discussion avec Michael Meier n’impressionne nullement Jürgen Klopp qui n’avait pas envie de rejoindre un club, Köln, alors à la lutte avec son FSV Mainz pour la promotion en Bundesliga et où régnait une instabilité chronique.
C’est alors que se profile un autre client, beaucoup plus sérieux, le SV Hambourg, à l’époque un club beaucoup plus riche et puissant que le Borussia Dortmund. Trois hauts dirigeants du HSV, emmenés par le directeur sportif Dietmar « Didi » Beiersdorfer, débarquent au domicile de Klopp à Gonsenheim. Autour d’un café, d’une pizza et de gâteaux, les Rothosen affichent leurs ambitions. Ils voient en Klopp le jeune entraîneur dynamique capable de ramener ce Meisterschale qui fuit les bords de l’Elbe depuis 1983, avec beaucoup d’argent à investir dans une nouvelle équipe. Le manager Beiersdorfer a toutefois un doute : un club avec la renommée du HSV peut-il se permettre d’engager un entraîneur surnommé Kloppo ? L’intéressé répond : « N’avez-vous pas un directeur sportif surnommé Didi ? »
Malgré cette impudence, Jürgen Klopp demeure sur la short list du HSV, aux côtés de Bruno Labbadia et des Hollandais Martin Jol et Fred Rutten. Tous quatre sont observés par les scouts hambourgeois. Ceux-ci fournissent le rapport suivant sur Kloppo : « L’entraîneur et le football de Klopp doivent être loués. Mais il se rase mal, il arrive en retard à l’entraînement (ce qui n’est jamais arrivé, selon Heidel), il a des trous dans ses jeans et il adopte un ton rugueux avec la presse locale. » Hambourg laisse donc tomber la piste Klopp et lui préfère Martin Jol, qui ne tiendra qu’une saison, avant d’être remplacé par Bruno Labbadia, lequel éloignera durablement le snob HSV des premières places. Ou quand le destin de deux colosses du football allemand, les seuls à avoir été champions d’Europe avec le Bayern, s’est peut-être joué sur un coup de rasoir…
Il restait toutefois encore un sérieux candidat, lui-aussi à l’époque plus riche que le BVB, sur les rangs pour engager Jürgen Klopp, le Bayer Leverkusen, soutenu par les puissantes usines Bayer. Et le défi intéressait notre futur entraîneur : « Kloppo ne voulait d’abord pas aller à Dortmund, il voulait Leverkusen, relate Christian Heidel. Je lui ai dit qu’il devait aller à Dortmund en raison des fortes émotions qui règnent là-bas. Il a eu une discussion avec Wolfgang Holzhaüser, le représentant de la direction du Bayer. Ils n’arrivaient pas à se décider… et puis Dortmund est arrivé. Mais au début Klopp n’était vraiment pas sûr. »
Lorsqu’il reçoit le première offre du BVB, Klopp n’en croit pas ses oreilles et il confie à Heidel : « Ils m’offrent moins que ce que j’ai à Mainz ! » Heidel répond : « Pas de souci, je t’aide. » Et lorsque Watzke rappelle Heidel pour connaître le salaire de Kloppo à Mayence, l’actuel manager de Schalke 04 lui répond : « Il gagne le salaire juste chez nous, il est l’homme le plus important. Grâce à lui, j’économise sur mes joueurs. » Watzke augmente alors son offre. La première discussion a lieu le 19 mai 2008. « L’entretien a été grandiose, se souvient Aki. Nous lui avons dit ce que nous prévoyions et cela correspondait exactement à ce qu’il prévoyait. Nous avons décidé très vite. L’alchimie a tout de suite fonctionné » Le vendredi 23 mai au matin, Jürgen Klopp signait au Borussia Dortmund un contrat de deux ans et était présenté officiellement au Westflaenstadion à 11h.
Si tu as raté le début :
1er décembre : Revolution 09
2 décembre : Une défaite salutaire
Adaptation libre de « Ich mag, wenn’s kracht » Jürgen Klopp. Die Biographie. De Raphael Honigstein, éd. Ullstein extra, 2017.
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