Ainsi donc, le BVB est tombé pour la première fois de son Histoire au Westfalenstadion contre le Real Madrid. Si nous avons une nouvelle fois été lésés par l’arbitrage, il nous faut aussi reconnaître que les Merengue nous ont été supérieurs. Nos Jungs se sont essoufflés dans la nuit dortmundoise face à la maîtrise technique madrilène qui a complètement annihilé l’arme clé du système de Peter Bosz : le pressing.
C’est devenu une mauvaise habitude depuis une dizaine d’années : tu joues contre une équipe espagnole, tu sais que tu vas devoir affronter un douzième homme. Et je ne veux bien sûr pas parler des spectateurs madrilènes, une nouvelle fois inexistants, de vrais fantômes avec leurs maillots blancs, mais de l’arbitre. Le succès récents de l’équipe d’Espagne, de Barcelone, du Real ou de Séville ont souvent été plus ou moins grandement favorisés par quelques décisions arbitrales suspectes. Et il ne faut bien sûr voir aucune relation de cause à effet sur le fait que cette période faste du football ibérique coïncide avec la présence du président de la fédération espagnole à la tête de l’arbitrage mondial et européen, une triple casquette pour le moins incongrue. Qui appartient désormais au passé puisque le señor Angel Maria Villar est tombé pour une histoire de corruption mais certaines mauvaises habitudes ont la vie dure. Nous l’avons appris à nos dépens mardi soir lorsque l’arbitre M. Kuipers et ses quatre assistants ont omis de nous donner un pénalty pour une main flagrantissime de Sergio Ramos. Le score était encore nul et vierge et, quatre minutes plus tard, Gareth Bale donnait l’avantage aux Merengue. Forcément, c’est un tout autre match qui commençait.
Tout simplement meilleurs
Ceci dit, en 2012-2013, M. Kuipers, déjà lui, avait –déjà- oublié de nous donner un pénalty évident pour une faute de Varane sur Reus, permettant à Cristiano Ronaldo d’égaliser sur la contre-attaque. Cela ne nous avait pas empêché d’exploser le Real de José Mourinho 4-1 dans une demi-finale que personne n’a oublié. En revanche, mardi, si nous n’avons pu surmonter ce coup de sort, c’est que, comme Tottenham à Wembley et nonobstant les erreurs d’arbitrage qui auraient pu changer le cours des choses, notre adversaire était meilleur que nous. D’ailleurs, le scénario du Westfalenstadion ressemble beaucoup à celui de Wembley : le BVB fait jeu égal voire mieux en première mi-temps mais revient à la pause, par naïveté, par manque de réalisme, avec un retard d’un but. Puis prend des risques inconsidérés en deuxième période et ouvre des boulevards en contre à l’adversaire pour finir par une défaite 1-3. Qui eût pu être bien plus lourde contre le Real puisque Roman Bürki a multiplié les parades en seconde mi-temps pour nous éviter une débâcle historique. La différence, c’est que contre les Spurs, nous avions été trop légers dans les duels, alors que face aux Merengue c’est surtout leur supériorité technique qui nous a fait mal. Mais, n’étant point présent à Wembley et connaissant la difficulté voire l’impossibilité de faire une analyse crédible d’un match sans être au stade, juste derrière le prisme déformateur du petit écran, je ne m’aventurerai pas plus loin dans la comparaison.
Dans le vide
En revanche, j’étais bien présent dans les gradins du Westfalenstadion et j’ai pu constater les limites de notre système en 4-3-3 qui fait merveille en Bundesliga. Le jeu voulu par Peter Bosz repose sur notre pressing et notre capacité à récupérer très rapidement et très haut le ballon. Cela marche face à des joueurs limités de Bundesliga, c’est beaucoup plus compliqué contre des défenseurs très expérimentés qui ont tout gagné dans leur carrière, capables d’assurer une première relance propre même sous pression. Et ensuite, quand le ballon transite par des techniciens du calibre d’Isco, Modric, Kroos ou même Casemiro, il devient vite insaisissable. Nos Jungs nous ont parfois fait mal au cœur en courant après une balle qui les fuyait, toujours avec un temps de retard. Cristiano Ronaldo et Gareth Bale sont des joueurs de classe mondiale, ils ont terriblement fait souffrir notre défense et inscrit les trois buts madrilènes. Mais leur tâche a été grandement facilitée par la qualité de leur milieu de terrain qui n’a eu de cesse de leur transmettre des ballons dans leur zone de confort, après avoir éliminé en deux-trois passes nos deux lignes de pressing, dans la course, en pleine vitesse et en un contre un face à nos pauvres défenseurs. Alors que notre solidité défensive repose en premier lieu sur la capacité de nos joueurs offensifs à empêcher l’adversaire de transmettre le ballon dans de bonnes conditions à ses attaquants.
Les limites du jeu hollandais
Lorsque nos dirigeants ont arrivés à la conclusion qu’un changement d’entraîneur devenait indispensable, ils ont d’abord pensé à Lucien Favre, un coach pragmatique, capable de proposer différents schémas de jeu et de s’adapter à l’effectif à disposition. Après le refus du Suisse, ils ont pris une toute autre option avec Peter Bosz, un entraîneur plus dogmatique et bien décidé à imposer son 4-3-3 dans la plus pure tradition hollandaise dans le Ruhrpott. Le jeu néerlandais est éminemment spectaculaire et excitant. Mais il est aussi très risqué et exigeant : s’il n’est pas exécuté à la perfection, il peut être très vulnérable. Souvent présenté comme une référence absolue, la Barcelone de Johann Cruyff ne s’est-il pas fait démonter 4-0 en finale de Ligue des Champions ? Or, pour l’instant, notre jeu encore en construction est loin d’avoir atteint un niveau de perfection pouvant nous permettre de surclasser des équipes du calibre de Tottenham ou du Real Madrid. La presse espagnole a parlé de tactique suicidaire, je n’irai pas jusque-là mais c’était pour le moins téméraire d’affronter ce type d’adversaire avec un jeu aussi offensif. Il ne s’agit pas de changer de système et de retomber dans les mêmes errements que la saison dernière – nous avons fait un choix, on l’assume – mais de l’adapter, notamment au niveau de la composition. Par exemple, en introduisant une vraie sentinelle devant la défense contre des adversaires de calibre supérieur, nous avions vu à quel point Sebastian Rode avait été précieux contre le Bayern Munich en Supercup.
Vitesse et précipitation
En Bundesliga, nous n’avons jamais été menés au score cette saison. Mieux même : à part à Freiburg, nous avons toujours marqué assez tôt dans le match. Cela nous a permis de jouer sur du velours en développant notre jeu sans le moindre stress. En Coupe d’Europe, non seulement nous sommes tombés sur des adversaires de calibre supérieur, mais en plus nous avons dû gérer une situation inédite, celle de devoir rapidement courir après un score déficitaire. Après avoir encaissé le 0-2 par Ronaldo en début de deuxième mi-temps, nos Jungs ont certes montré une bonne réaction en réduisant le score sur une reprise d’Aubameyang. Il restait plus d’une demi-heure à jouer mais nous ne sommes jamais parvenus à emballer le match, malgré l’appui du Westfalenstadion. La Real n’a jamais été sous pression et a toujours pu, grâce à son impressionnante maîtrise technique, ressortir proprement le ballon. Pire, les risques excessifs pris en passant à une défense à trois ont procuré une foultitude d’occasions au Real et seul le brio de Bürki nous a permis de rester dans le match jusqu’à une douzaine de minutes de la fin, avant que Ronaldo ne classe définitivement l’affaire. Un but que l’on sentait arriver alors que nous n’étions pas dangereux. Forcément, il est difficile de rester lucide quand tu sais que chaque perte de balle entraînera au mieux un long et épuisant rallye pour récupérer un ballon insaisissable, au pire une occasion de but adverse. Du coup, nos Jungs ont confondu vitesse et précipitation, ont voulu forcé leurs gestes et cela a débouché sur une kyrielle d’ouvertures trop profondes, de centres trop longs ou de passes dans les pieds adverses.
La promesse d’Anfield
Ce qui me dérange le plus dans cette défaite, c’est que c’est la première concédée dans notre temple face au Real Madrid. Cela nous plaisait bien ce côté petit village de mineurs du Ruhrpott, seul en Europe à résister à l’envahisseur madrilène, n’ayant peur que d’une chose, que le ciel nous tombe sur la tête (et, accessoirement, de nous retrouver en manque de bières). Si le ciel était chargé d’orage à notre arrivée au Westfalenstadion, celui-ci n’a finalement pas éclaté mais c’est la foudre madrilène qui s’est abattue sur nous. Et ce n’est jamais agréable de faire partie de la première génération qui laisse pénétrer un sanctuaire jusque-là inviolé. Même si nous avions aussi fait partie de quelques-unes des générations précédentes qui avaient contenu les assauts madrilènes contre notre temple…
Cette Ligue des Champions n’était pas une priorité et, si elle nous permet de tirer des enseignements pour la suite de la saison, elle n’aura pas été inutile. Mais veillons quand même à gagner nos deux matchs contre l’APOEL Nicosie et on verra ensuite s’il reste un espoir de qualification, sinon nous accueillerons avec grand plaisir un repêchage en Europa League. Déjà, c’est l’assurance de voir moins de touristes, qui infestaient le Westfalenstadion mardi : tu les as vu, ce sont ces mecs qui ont déserté en masse le stade après le 1-3 de Ronaldo, les mêmes qui avaient vécu le Wunder von Malaga depuis la radio dans la voiture sur le parking. Et puis surtout, en 2016, lors d’un somptueux Choreo contre Porto, nous avions manifesté le souhait de compléter notre album Panini avec le seul trophée majeur manquant à notre palmarès. Ce rêve s’était écroulé lors d’une fin de match dramatique à Liverpool mais, en quittant Anfield les larmes aux yeux, nous nous étions fait une promesse : un jour nous reviendrons en C3 pour tenter d’intégrer le cercle très fermé des clubs ayant gagné toutes les Coupes d’Europe. Si ces deux défaites contre Tottenham et Real nous donnent l’occasion de tenter une nouvelle fois notre chance, on l’acceptera volontiers.
La vengeance d’Helene
En même temps que le match mardi, à quelques centaines de mètre du stade, à la Westfalenhalle, il y avait le concert d’Helene Fischer, la diva de la Schlagerparade, celle-là même que nous avions conspuée en finale de Pokal. Même si les sifflets ne lui étaient pas directement destinés mais bien davantage à la DFB, Helene Fischer n’a pu s’empêcher de nous lancer une petite pique devant ses fans : « Ici, c’est mieux que le foot ». Je ne souscrirai évidemment pas à cette assertion, même un soir de défaite, mais le tube d’Helene Fischer décrit assez bien notre match « Atemlos durch die Nacht » (à bout de souffle toute la nuit), c’est probablement ce qu’ont dû ressentir nos Jungs en courant après un ballon trop souvent insaisissable. Mais la chanson poursuit avec « bis ein neuer Tag erwacht » (jusqu’à ce qu’un nouveau jour se lève). On espère donc qu’un nouveau jour va se lever samedi sur Augsburg pour oublier la Königsklasse et poursuivre notre belle aventure en tête de la Bundesliga.
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