Après une triste semaine sans football en raison de cette pause internationale ennuyante, c’est avec plaisir que l’on s’empresse de retourner dans les stades de football en Allemagne. C’était une semaine très importante pour le BVB, qui n’avait pas le droit à l’erreur lors du Revierderby. C’était également une semaine cruciale pour un autre club du Ruhrpott, les amis du Rot-Weiss Essen. Le RWE, dans l’impasse sportive depuis quelques saisons, jouait mardi contre l’ennemi de Wuppertal en demi-finale de la Niederrheinpokal, seule chance de se qualifier en DFB-Pokal, et vendredi contre l’Alemannia Aachen dans le Traditionsderby. On était présent pour les deux matchs. Récit !
Wuppertaler SV vs Rot-Weiss Essen 2-3 (13’003 spectateurs, dont 4’500 visiteurs)
Le Derby de la haine
Bien que la ville de Wuppertal ne se situe (juste pas) dans la Ruhr, elle est située à une trentaine de kilomètres d’Essen. C’est pour cela qu’on parle bien d’un Derby entre le RWE et le WSV. Même si le principal ennemi du club d’Essen reste les bleus de Herne-West, il a pratiquement toujours joué dans la même division que Wuppertal, de la Bundesliga à la Regionalliga, ce qui a entretenu une grande rivalité, voire même de la haine entre les deux clubs.
Ce Derby est considéré comme l’un des plus dangereux en Allemagne, notamment avec la forte présence de hooligans dans les deux camps (en Allemagne, les hooligans n’ont rien à voir avec le mouvement ultras, contrairement à d’autres pays. Pas d’amalgame !) Une confrontation entre les deux clubs en mai 2010 a également fait scandale jusqu’en…..Suisse. Les ultras de Wuppertal ont une amitié avec le groupe Amici Berna du BSC Young Boys Bern et ont invités leurs amis de la capitale helvétique pour ce derby. Un supporter de YB a éclaté une bouteille de bière sur la tête d’un policier sur le chemin entre la gare d’Essen et le stade. Après une longue détention provisoire, le Suisse de 26 ans a pu rentrer dans son pays avec une peine privative de liberté avec sursis de 2 ans.
Pour illustrer cette rivalité, on vous a traduit des morceaux du communiqué des ultras de Wuppertal destiné au reste du public, publié avant le match de mardi :
« Je n’ai pas besoin de dire que c’était enfin le moment ! Le Rot-Weiss Essen vient dans notre ville, dans notre stade et tout le monde devrait être au clair que ce match sera le Highlight de l’année. Car si nous allons en final de coupe, dans le cas où les Zèbres [MSV Duisburg] gagnent l’autre demi-finale et qu’ils restent dans le haut de classement de leur ligue, nous sommes automatiquement en DFB Pokal. Soyez conscients de cela ! Et maintenant tout le monde devrait comprendre que les bâtards de l’Hafenstrasse pensent qu’ils débarqueront ici avec leur tas de merde et mettront une ambiance de match à domicile rouge et blanche. Comprenez-vous cela ? Ces fils de P… veulent faire les malins, car nous avons enc… ces « tas de crasse » dans les tribunes avec une nette domination, principalement quand nous avons joué chez eux (propos sans la moindre espèce d’objectivité, NDLR). Ils seront dans un esprit de vengeance, que nous devons profondément combattre de tout force.
Alors nous devons écraser les bâtards du Rot-Weiss, car c’est le vrai chemin vers la victoire. Il n’y a pas pire que de se laisser faire enc… par un tas de fils de p…. lors d’un match à domicile.
[…]
Ambiance, ambiance….
La fédération de football de l’ouest de l’Allemagne est tragique
Au lieu de faire le déplacement directement depuis Dortmund jusqu’à Wuppertal, je choisis de faire le détour par Essen afin de prendre le train spécial réservé au fans du RWE. Cela était très risqué, car je me suis retrouvé sans billet jusqu’au dernier moment après qu’un mec un peu trop bourré ne se soit plus souvenu qu’il m’en avait promis un. Pas moins de 4’000 Essener avaient déjà acheté leur billet alors que le Gästeblock est grand de 5’000 places. La probabilité de me retrouver sans billet était quand même à considérer.
Après un interminable trajet dans le train qui n’avançait pas (55 minutes au lieu de 25), nous arrivons enfin dans ce trou perdu et insignifiant qu’est Wuppertal. En toute honnêteté, c’est difficile de trouver une ville plus laide que ça en Allemagne, encaissée dans un fond de vallée à brouillard et remplie d’usines plus ou moins déglinguées . Les Rot-Weisser organisent un cortège jusqu’au Stadion am Zoo en chantant, sautant et en sirotant des bières, le tout dans une ambiance survoltée. Mais la fête sera rapidement gâchée à cause de l’organisation dramatique du Westdeutsche Fussballverband et de la très « compétente » police du NRW. On a assez dégueulé sur la police locale sur ce site, mais pas encore sur la WDFV. Bloqués par la police, nous avons attendu pendant 30 minutes sans la moindre raison. Une heure avant le match, les policiers laissent passer des petits groupes de fans pour former une autre file quelques mètres plus loin en attendant la fouille. Cela créa un grand mouvement de foule et j’ai perdu mes collègues de voyage, qui sont restés bloqués dans la première file. Dans la deuxième file, nous avons attendu près de 50 minutes pour la fouille. Inexplicable que ça dure aussi longtemps, surtout que Wuppertal avait été prévenu du nombre de fans qui se déplaçaient et que nous avons attendu une demi-heure pour rien. Par chance, il restait des billets à la caisse et j’ai pu arriver juste pour le coup d’envoi de la rencontre, au contraire d’un millier de supporters rouges et blancs qui attendaient toujours dehors. En temps normal, les matchs sont retardés quand beaucoup de spectateurs se trouvent en dehors du stade. Mais l’organisateur du match, donc la WDFV, n’a soi-disant pas reçu l’ordre de la police de retarder le coup d’envoi. Mes amis sont arrivés en tribune au coup de sifflet de la mi-temps…
La WDFV n’est plus à une connerie près cette saison. La Regionalliga West est la seule ligue « amateur » où il y a des grands clubs de tradition comme Essen, Wuppertal, Aachen, Oberhausen ou Uerdingen (aujourd’hui en D5) qui ont une bonne base de supporter et qui remplissent plus ou moins leurs stades. Mais l’Association a décidé de ne pas aller dans ce sens et de tout faire pour qu’il y ait moins de spectateurs dans les stades. Il est courant que les supporters des clubs de Bundesliga de l’Ouest vont aussi encourager la réserve, principalement au BVB ou au 1.FC Köln. Ils avaient la chance de pouvoir le faire, car les matchs étaient rarement en même temps. Le fait que les réserves arrivent à faire du monde à presque chaque match rendait la 4.Liga attractive. Mais depuis deux saisons, la WDFV fait exprès de planifier les matchs des réserves en même temps que l’équipe fanion pour qu’il y ait le moins de monde possible au match pour des raisons de « sécurité ». Et pour être sûr qu’il n’y aie vraiment personne, il n’ont pas hésité à planifier un Derby du Rhin entre les U23 de Düsseldorf et de Köln un mardi à 12h30. Samedi prochain, alors que le BVB se rend à Munich, les U23 reçoivent le RWE. Je me demande quel plaisir aura un fan du Rot-Weiss Essen à se déplacer pour un match insignifiant et sans ambiance de la part de la centaine de fans locaux. À ce rythme, la magie de la Regionalliga West va se briser et celle-ci va devenir un championnat inintéressant.
Le Rot-Weiss Essen est magique
Pour en revenir aux choses intéressantes, le match a de la peine à démarrer. Les hommes du Ruhrpott ne sont vraiment pas dedans et l’ambiance a de la peine à décoller. À vrai dire, il ne se passe strictement rien dans cette première mi-temps et le spectacle n’est pas à la hauteur des espérances. À la mi-temps, les deux équipes sont revenues avec des meilleures intentions. Mais le RWE se fait endormir pendant 5 minutes et ça sentait le goal. Wuppertal touche le poteau, et marque quelques secondes plus tard, ce qui était mérité. C’est l’explosion dans le stade. On pouvait penser que le WSV avait gagné le Champions League tellement le stade était fou de joie. De notre côté, c’était l’hécatombe. Personne ne se parlait. Le capo a lancé un « Wir woll’n ihr kampfen seh’n » (nous voulons vous voir vous battre) et ça probablement été le réveil pour les joueurs de l’Hafenstrasse. Après une action un peu bizarre, Benjamin Baier, frère de, remet, en bon capitaine, les pendules à zéro. C’est la folie dans le Gästeblock !
Peu de minutes après, Marcel Platzeck se précipite sur une balle beaucoup trop longue, que beaucoup de joueurs auraient déjà abandonnée. Il la sauve sur la ligne, centre parfaitement pour Timo Brauer. Le Fussballgott local n’a plus qu’à la mettre au fond de la tête. Belle leçon de persévérance, dont certains spécialistes du BVB devraient s’inspirer. Je ne peux même pas décrire la folie dans le Block. Je crois que j’ai fini 5 ou 6 rang plus bas. Le public du Stadion am Zoo s’est totalement éteint, étouffé par les puissants chants des Rot-Weissen. Nous étions sur une autre planète et plus rien ne pouvait nous arriver. Baier enchaîne avec le 3ème d’un surprenant tir à l’entrée des 16 mètres. Tous les remplaçants sont rentrés sur le terrain pour sauter sur le capitaine. Maintenant je me pose une question : pourquoi les gens s’évértuent à supporter des PSG, Real, ManU, Chelsea ou je ne sais quel autre club bidon alors qu’on peut avoir une sacrée ambiance et des émotions pareilles en coupe régionale avec deux clubs de D4 ? Pour être honnête, depuis l’arrivée de Tuchel, on ne ressent plus beaucoup d’émotions avec le BVB et j’avoue que je commence à être jaloux du RWE.
Toutefois, le WSV revient à 2-3 à 10 minutes de la fin du temps, ce que nous laisse un doute sur cette fin de match. Même si Essen a touché la barre transversale, Wuppertal met la pression et on a bien cru que tout allait s’effondrer. Et ce n’est pas les généreuses 4 minutes de temps additionnel qui allaient nous rassurer. L’arbitre met un terme à la partie alors que personne n’avait compris ce qu’il se passait. Après le serrage de main, les joueurs du RWE courent vers leurs supporters, qui avaient déployé une banderole « FINALE BÄÄÄÄÄM! » en référence au communiqué des ultras du WSV, traduit au début de cet article.
La fête est gâchée….
…Une nouvelle fois par nos amis de la police du NRW. Alors que tous les Rot-Weissen se rendaient tranquillement à la gare qui leur était réservée, les policiers bloquaient tous les accès au quai, car il y avait soi-disant « trop de monde » et qu’ils laissaient partir le premier train. J’ai alors signalé à un policier que je voyageais en direction de Dortmund, donc de l’autre sens et dont mon train serait probablement vide. Il y avait rien à faire, même si j’avais caché mon maillot du RWE, je ne pouvais pas prendre un autre train et je devais faire le détour par Essen. Selon l’heure d’arrivée, je ne pouvais pas rentrer à Dortmund, mais ça le policier, il n’en avait rien à foutre visiblement. On a alors attendu plus de 40 minutes sans la moindre explication, avant qu’ils nous laissent aller sur le quai lors de l’arrivée du train, ce qui provoqua un nouveau mouvement de foule, mais cette fois dans les escaliers. Des gens auraient pu être gravement blessés, mais ça, la police n’en avait visiblement encore rien à foutre. Et c’est quand même étrange que le débit de train n’aie pas été augmenté alors que plus de 4’000 fans devaient rentrer à Essen (il n’y avait qu’un train spécial, en plus d’un S-Bahn régulier par heure). Il devient très difficile d’être fan de football, même en Allemagne…
Rot-Weiss Essen vs Alemannia Aachen 1-2 (10’580 spectateurs, dont env 1’500 visiteurs)
Après des matchs comme celui de Wuppertal, on est toujours partant pour revoir le RWE. Cela tombe bien, car il y a le Traditionsderby contre l’Alemannia Aachen. Oui, car Essen a aussi une rivalité avec Aachen. Mais les rivaux d’Essen, on ne les compte plus. Dans l’ordre : Schalke, Wuppertal, Duisburg, Oberhausen, Düsseldorf, Aachen, Münster et probablement que j’en oublie… La confrontation entre les deux clubs détient d’ailleurs le record du nombre de spectateurs en Allemagne en D4 (30’313). On va d’ailleurs parler un peu de l’Alemannia Aachen. Il n’y a pas si longtemps, ce club a fait un court passage d’un an en Bundesliga. Cette année-là, il s’est même offert le luxe de sortir le grand Bayern en DFB Pokal. Ce match là, dans une ambiance totalement délirante, restera à jamais dans les matchs de légende de la coupe. En 2009, le club d’Aix-la-Chapelle quitte son alte Tivoli et emménage dans son neue Tivoli. Depuis, c’est la descente aux enfers ! Le club passe tout proche de la faillite. Juste avant la relégation en 4.Liga en 2012/2013, un gamin de 7 ans fan du club à même fait don de son cochon d’économie pour aider le club. Le club s’est dans un premier temps repris, mais vient juste d’annoncer des graves problèmes financiers, et sans nouveau généreux sponsor, les ambitions de promotion sont à oublier et la survie du club sera mise en question. Notre chère WDFV a même retiré 9 points à Aachen en raison de trop grosses dettes. Des clubs mythiques comme celui-ci sont en voie de disparition et pendant ce temps, des « spécialistes » viennent nous faire des théories qu’il faut donner une chance au Rasenballsport Leipzig d’exister ou qu’il est l’avenir du football allemand. J’ai juste envie de vomir !
C’est toujours un plaisir que de retrouver l’Hafenstrasse d’Essen, sa station-service transformée en Biergarten les jours de match, ses bars, et le Biergarten à côté du stade. C’est le football qu’on aime ! Au niveau du match, il n’y a pas grande chose à dire, hormis que c’était du football de très bonne qualité ! L’Alemannia ouvre le score avant que le dieu du football Benjamin Baier égalise d’une super frappe lointaine. Le héros de la semaine m’a confirmé que j’avais bien fait d’acheter son maillot la saison passée. Malheureusement, le RWE perd sur penalty juste avant le coup de sifflet final. Le match nul aurait été logique, mais le RWE est en finale et ne peut plus rien espérer en championnat, donc il n’y a pas mort d’homme. Je suis sorti du stade fin prêt pour le Revierderby du lendemain (malheureusement pas exceptionnel…).
Alexandre Fatton
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