Eric Cantona, David Beckham, Ryan Giggs, Ole-Gunnar Solskjaer, Andy Cole, Roy Keane, Gary Neville, Paul Scholes, Andreas Möller, Stefan Reuter, Paulo Sousa sur le terrain, Otmmar Hitzfeld et Alex Ferguson sur le banc : il y avait une pléiade de stars ce soir-là au Westfalenstadion. Mais le héros de la soirée, celui qui a placé le BVB en orbite vers sa première finale de Ligue des Champions, ce fut un éternel remplaçant venu d’Allemagne de l’Est, qui n’avait dû sa titularisation qu’à une cascade de blessure côté dortmundois : René Tretschok.
Le contexte. Pour la deuxième fois de son histoire après celle perdue en 1963-1964 contre l’Inter Milan, le Borussia Dortmund est en demi-finale de la C1. Les Borussen ont fini deuxième de leur groupe derrière… l’Atletico Madrid mais devant le Widzew Lodz et le Steaua Bucarest, puis se sont débarrassés de l’AJ Auxerre en quart de finale. En demi-finale, c’est un monument du football européen qui attend le Borussia : Manchester United. Après la longue éclipse du football anglais suite au drame du Heysel, les Red Devils recommencent à faire partie des clubs qui comptent en Europe. Ils sont toujours emmenés par Eric Cantona et voient l’émergence d’une génération dorée lancée par Alex Ferguson, avec les Beckham, Giggs, Butt, Scholes, Neville, Keane, Solskjaer et compagnie. Le BVB ne part pas favori, surtout qu’il est privé de nombreux titulaires au match aller : les expérimentés défenseurs centraux Julio Cesar et Jürgen Kohler, le cerveau de l’équipe, le Ballon d’Or Matthias Sammer et les deux attaquants vedettes Stéphane Chapuisat et Karl-Heinz Riedle sont tous absents.
Le match. Ottmar Hitzfeld choisit de monter une équipe de combat. Il était sans doute conscient qu’avec autant de défections, il serait difficile de faire une grosse différence au Wesftalenstadion, gageons qu’il aurait sans doute signé pour un 0-0 qui aurait permis de préserver les chances schwarzgelben avant le retour à Old Trafford. Devant le gardien Klos, Gottmar choisi de replacer le champion du monde Stefan Reuter dans l’axe de son sempiternel 3-5-2, aux côtés de l’Autrichien Wolfgang Feiersinger et de l’expérimenté Martin Kree. Au milieu, les guerriers Paul Lambert et Paulo Sousa pour tenir le choc, Jörg Heinrich et Lars Ricken sur les côtés et le virtuose Andreas Möller en créateur. Enfin, en attaque, Hitzfeld aligne les attaquants qui occupent les places 3 et 4 dans sa hiérarchie, Heiko Herrlich et René Tretschok. Ce BVB remanié fait preuve de courage, en première mi-temps il fait jeu égal avec l’armada mancunienne, Herrlich est même tout proche d’ouvrir le score. Mais, après la pause, Manchester domine. Sur une passe géniale de Cantona, Nicky Butt voit sa frappe s’écraser sur le poteau, alors que Martin Kree doit sauver sur sa ligne devant David Beckham. Alex Ferguson se dit sans doute qu’il y a la place pour assurer la qualification dès ce match aller. Mais, tel le roseau de la fable, le BVB plie mais ne rompt pas.
Le but. Il reste quinze minutes à jouer. Le Portugais Paulo Sousa récupère un ballon devant Eric Cantona au milieu du camp de défense mancunien. Il le transmet à René Tretschok, à vingt-cinq mètres du but. Le n°23 du BVB n’est pas attaqué, il s’avance de quelques mètres et tente une frappe. Le ballon est légèrement dévié et prend une trajectoire flottante. Raimond van der Gouw est abusé par l’effet. Le gardien hollandais des Red Devils veut tenter une claquette mais il ne fait que dévier le ballon dans ses propres filets. Le BVB s’impose 1-0.
La suite. Un but d’avance à l’aller, ce n’était pas encore gagné. Il fallait encore aller jouer le retour à Old Trafford. A l’époque, c’était encore un stade avec une ambiance qui en imposait et non pas le supermarché silencieux pour touristes qu’il est malheureusement devenu. Kohler, Chapuisat et Riedle sont de retour côté dortmundois. Et le BVB se donne un peu d’air en ouvrant la marque après 8 minutes : bien servi par Andreas Möller, Lars Ricken trouve le petit filet de Peter Schmeichel et contraint les Red Devils à marquer trois fois pour se qualifier.
La suite du match s’apparente à un long siège du but dortmundois. Mais notre équipe va livrer un combat héroïque, un véritable morceau de bravoure resté dans les annales du club. Le gardien Stefan Klos multiplie les parades. Et lorsqu’il est battu, il reste toujours un pied ou une tête jaunes et noires pour le suppléer : Jürgen Kohler sauve deux fois sur sa ligne (dont une, à terre, devant Eric Cantona, encore dans toutes les mémoires), Martin Kree une fois. La volonté, la solidarité et la discipline dortmundoises finissent par écœurer United. Le BVB s’impose 1-0 à Old Trafford et valide son ticket pour la finale. La suite, on en a déjà parlé hier…
Le héros. René Tretschok a grandi derrière le rideau de fer. Il débute au Chemie Wolfen puis au Chemie Halle, en RDA. Il devient professionnel au Hallescher FC. En 1992, il passe à l’Ouest, au Borussia Dortmund. Mais, pour un attaquant, avec Chapuisat, Herrlich et Riedle, les places étaient chères au BVB. Il n’est jamais parvenu à s’imposer comme titulaire. Il est même prêté au Tennis Borussia Berlin en 1993-1994, avant de revenir au BVB. Il doit généralement se contenter des miettes que lui laissent les trois autres attaquants. En cinq saisons à Dortmund, il n’a joué que 61 matchs de Bundesliga, souvent comme joker, pour 8 buts, et 20 matchs européens pour 2 buts. Dont celui, mythique, contre United en demi-finale. C’est le genre d’histoire dont raffole le peuple jaune et noir : l’anonyme, l’éternel remplaçant, le travailleur fidèle qui, tout à coup, quand personne ne l’attendait, sort de l’ombre pour s’offrir son heure de gloire en pleine lumière.
Néanmoins, après avoir fêté la victoire en Ligue des Champions (sans jouer la finale), René Tretschock va quitter le BVB pour Köln puis le Hertha Berlin où il trouvera davantage de temps de jeu, avant de finir sa carrière chez lui à Wolfen où il a ouvert une académie de football. Et puis, nous avons retrouvé notre héros d’un soir. Sur un banc de Bundesliga : René Tretschock a entraîné un seul match de Bundesliga. Contre le BVB. C’était un intérim avec le Hertha Berlin en février 2012, après le limogeage de Michael Skibbe et avant l’engagement d’Otto Rehhagel, deux autres vieilles connaissances du Westfalenstadion. Le Hertha de Tretschok avait d’ailleurs réalisé un bon match et bousculé le Borussia irrésistible du printemps 2012. Mais le BVB l’avait emporté 1-0 sur un retourné acrobatique assez curieux de Kevin Großkreutz et René Tretschock était retourné dans l’ombre. Dont il avait si bien su sortir cette soirée d’avril 1997 pour ouvrir la voie de la finale de la Ligue des Champions au Borussia Dortmund.
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