L’avant-Derby c’est toujours un concentré de passion, de provocations, d’excitation, d’impatience fébrile, de fête… Pure Vorfreude, auf deutsch. Puis est arrivé le coup d’envoi et là plus rien, juste un pauvre match nul et vierge après une première mi-temps sans relief et une seconde sans réussite de nos Jungs. Désolant.
Au BVB, pour qu’une saison puisse être considérée comme pleinement réussie, il faut avoir remporté les deux Derbys, particulièrement celui au Westfalenstadion. Malgré le titre, en 2010-2011, il subsiste un petit regret, pas tant les éliminations prématurées en Coupe UEFA et en Pokal, mais bien le 0-0 du Derby retour au Westfalenstadion où Manuel Neuer avait empêché nos Bubis de concrétiser leur domination écrasante. En revanche, avec le doublé et les deux Derbysieg, 2011-2012 demeure la référence absolue. Dès lors, quoiqu’il puisse advenir durant le reste de la saison, nous devons déjà constater que 2016-2017 ne sera pas une totale réussite après ce pauvre Derby à domicile.
Les entames de Tuchel
Il y a un sujet qui devrait sérieusement préoccuper Thomas Tuchel : nos entames de match. A Leipzig et Leverkusen, nous ne sommes jamais entrés dans le match, contre Hertha, Ingolstadt et Schalke, il nous aura fallu plus d’une mi-temps. C’est incompréhensible. Pourtant, surtout à domicile, nous devrions mettre le feu au match, profiter de la folie du Westfalenstadion pour embraser les tribunes, ne laisser aucun répit à l’adversaire… C’est tout l’inverse qui se produit, nous débutons nos parties de manière complètement amorphe et laissons tranquillement l’adversaire s’installer dans un match, sans rythme ni passion. C’est même Schalke qui se crée les premières occasions en début de match, avant de se raviser, comme surpris par sa propre audace et par la passivité dortmundoise, pour se retrancher derrière une tactique plus défensive. Largement suffisant pour contenir un BVB dont la production offensive confine au néant avant la pause, zéro tir au but, une première depuis plus de dix ans. Affligeant.
Et pourtant…
Et pourtant, dans les gradins, l’enthousiasme pour ce Derby était bien réel. Les jours précédents le match avaient connu leurs lots de provocations, de vannes, de tensions et, dans les bars de la ville et les Biergarten, nous sentons l’électricité et l’excitation qui envahit le Ruhrpott chaque jour de Derby. Sur le terrain, il n’y a malheureusement plus vraiment de joueurs à être complètement investis par le Derby comme pouvaient l’être à l’époque des Roman Weidenfeller, Ebbe Sand, Alex Frei, Gerald Asamoah, Jens Lehmann, Sebastian Kehl ou Kevin Grosskreutz, des mecs qui abordaient, pour le meilleur et pour le pire, le match dans un état second dès lors que se profilait le duel contre le rival de toujours. Même chez les Blauen, en l’absence d’Huntelaar, il n’y a plus vraiment de joueur que nous aimons détester. Alors il faut au moins maintenir cette rivalité dans les tribunes, le jour où nous perdrons cela, le Derby n’en sera plus vraiment un. Après, les indispensables fanfaronnades d’avant-Derby ne nous empêchent pas d’être lucides sur le niveau actuel de notre équipe et d’être conscients que la dynamique n’était pas forcément en notre faveur. Schalke a connu sa crise en début de saison mais les Blauen ont su garder la tête froide, maintenir la confiance dans leur entraîneur, la preuve que quelque chose est bien en train de changer du côté d’Herne-West depuis l’arrivée de Christian Heidel, et leurs dernières prestations précédant le Derby avaient été plus convaincantes que les nôtres. Mais, traditionnellement, dès le coup d’envoi, on oublie la forme du jour, le classement, la qualité des équipes, au final c’est toujours l’équipe qui en veut le plus qui remporte le Derby. Sauf que là, on n’a pas vraiment senti une équipe plus désireuse de gagner que l’autre et c’est finalement assez logiquement que l’on s’est quitté sur un score nul et vierge.
Au bout des ruelles sombres…
Certes, même si la première occasion de la seconde période est pour les Knappen avec une frappe de Kolasinac détournée par Bürki, notre deuxième mi-temps a été meilleure. Ou moins mauvaise c’est selon. Mais au moins nos Jungs ont poussé contre un Schalke qui se satisfaisait manifestement de ce match nul. Le Westfalenstadion s’est réveillé, a oublié les affres de la première période pour aller chercher cette victoire qui nous aurait fait tant de bien. Mais Dembelé n’a trouvé que la latte sur sa reprise, Götze s’est heurté à Fährmann et Kolasinac a sauvé devant Pulisic. En plus la réussite n’était pas avec nous, comme souvent pour une équipe en difficulté, mais la réussite, cela se provoque et force est de constater que ne jouer vraiment que 35 minutes par match n’est pas la meilleure manière d’aller chercher un but.
Bref, nous quittons le stade déçu et frustré, après un cinquième match sans victoire au plan national. Une vilaine série, l’une des ruelles sombres de la chanson Am Borisigplatz geboren. Ce n’est ni la première ni la dernière que nous traversons avec notre BVB mais là nous ne discernons pas vraiment la lueur jaune au bout. Certes, Hambourg samedi, dernier du classement avec 18 buts encaissés et seulement 2 marqués (par un joueur qui sera suspendu contre nous…) paraît l’adversaire idéal pour nous relancer mais nous n’avons plus gagné depuis quatre matchs sur l’Alm et nous avons vu à Leverkusen ou Ingolstadt que même une équipe en crise peut actuellement nous mettre en difficulté en ce moment. Et derrière, il y aura Bayern, que nous n’avons plus battu depuis 2012 en Bundesliga au Westfalenstadion, Francfort où nous n’avons plus gagné depuis trois match, Cologne où nous restons sur deux défaites…
Sauve qui peut
En 2014-2015, nous avions raté notre préparation en raison des retours tardifs de la Coupe du Monde et nous l’avions payé durant tout le premier tour. La leçon n’a pas servi : nous avions le même problème cet été après l’Euro et nos dirigeants ont choisi de nous infliger un handicap supplémentaire avec cette grotesque opération marketing en Chine. Au final, le constat est sans appel : nous ne sommes pas prêts pour les rudes combats de la Bundesliga, en raison de cette préparation tronquée, d’un recrutement déséquilibré trop axé sur des joueurs techniques, d’une insuffisance chronique dans les duels et l’intensité, de l’absence d’un pressing contraignant pour l’adversaire et d’automatismes dans le collectif, d’un entraîneur qui s’entête dans un système de jeu inefficace et décrié par les fans… Ce n’est pas un hasard si nos Jungs ont jusque-là été plus à l’aise en Ligue des Champions contre des adversaires plus techniques comme Sporting ou Real mais provenant de championnat beaucoup moins physiques et intenses que contre des équipes moins talentueuses mais rompues aux batailles germaniques. Et, après deux mois d’été indien, le retour annoncé des intempéries et des terrains lourds va encore compliquer la tâche de nos petits gabarits. Dans ce contexte, ceux qui attendent le retour de Marco Reus comme celui du Messie vont vite déchanter : le programme qui nous attend et la fragilité de notre joyau ne permettront pas à celui-ci de revenir autrement qu’avec parcimonie cet automne et d’être pleinement opérationnel avant Noël. Nous avons commis des erreurs et il faudra composer avec jusqu’à la fin du premier tour. Au moins. Il ne s’agit dès lors plus de parler de titre, ni même de Ligue des Champions, mais juste de limiter la casse avant la trêve hivernale. Pour cela, il faudra que nos joueurs fassent preuve de fierté et que notre entraîneur revienne à un plan de jeu beaucoup plus simple pour permettre à nos Jungs de retrouver cette spontanéité et cette insouciance qui faisaient jadis notre force mais qui ont aujourd’hui complètement disparu de notre jeu. Car notre saison est en péril et nous n’avons même plus la perspective du Derbysieg pour la sauver.
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