Le samedi 25 novembre 2017 restera à jamais dans l’histoire des Revierderby pour son scénario complètement fou. Huit buts marqués, une atmosphère incroyable et une agressivité comme l’on ne retrouve que dans un derby, un vrai que l’on appelle plus communément « Die Mutter aller Derbys ». Résumé de cette 174ème (ou 151ème, cela dépend la méthode de calcul) confrontation entre Schwargelben & Blauen, vu de l’intérieur de la mythique Südtribüne avec Diego.
Un voyage mouvementé
Cela fait 6 mois et quelques jours que je n’étais plus revenu dans la Fußballhauptstadt, et une victoire 2-1 face à Hoffenheim. Mais quel bonheur de revenir pour un match si particulier. Le match le plus important aux yeux de tous les Borussen. Le derby face à Schalke. Si la dynamique est plutôt en faveur des Blauen, ce match sort de tout contexte. Interroge n’importe quel supporter du BVB : pour lui, une victoire face à l’ennemi est le plus important dans une saison de Bundesliga.
C’est donc avec une joie immense et une certaine impatience que je file à la gare du Nord prendre mon Thalys, Richtung Dortmund. Une anecdote bien sympa : je suis installé à côté d’un fan francophone du BVB qui vient pour sa toute première fois au Westfalenstadion. Malgré un problème de retard, le voyage se passe bien, nous voici arrivés à Dortmund après cinq heures de train. Il est déjà 13h30. H-2.
Je fonce directement au stade après m’être pris une Brinkhoff’s (ben oui, on ne change pas les bonnes habitudes héhé). Une fois sur place, une traditionnelle Bratwurst pour le repas, puis le plus dur est de retrouver les copains. Il y a énormément de monde ! Ici, en Allemagne, les supporters visiteurs se fondent dans la masse, parfois on assiste même à des scènes plutôt joviales entre adversaires. C’est tout du moins ce qu’on aimerait voir le plus souvent dans notre sport. Or, c’est un Derby… Les Blauen sont cadrés par un nombre incalculable de policiers ce qui empêche une liberté de mouvement de nos supporters. Ils sont en plein milieu du passage, ils provoquent, ils insultent notre club, leur arrogance me rend fou. Tu m’étonnes qu’ils soient l’un des clubs les plus détestés d’Allemagne (outre les Plastikverein que sont le RB Leipzig ou Hoffenheim par exemple) … Au moment de rejoindre notre tribune, nous sommes obligés de croiser les fans de Schalke. Un de mes collègues se fait sauvagement foncer dessus par 3 grands malades qui veulent lui arracher son écharpe. Autant de moyens de sécurité déployés ne devraient pas aboutir à ce type d’incident. Je pousse mon coup de gueule dans cet article car, il faut le dire, c’est complètement insensé de laisser des fans de l’équipe adverse, ennemie du club local, graviter autour des autres fans. C’est bien beau de mettre une grosse sécurité policière mais derrière il faut savoir l’assumer. En France pour citer un exemple de vrai derby, jamais vous ne verrez un supporter de Saint-Etienne aux abords du stade de Lyon, trop d’insécurité ! C’est pour moi un gros point noir de ce week-end, que l’on soit obligé presque de se battre pour circuler librement.
Le match parfait
Une fois dans le stade, la vue est grandiose, installé en plein cœur du mur jaune avec mon fan-club, les Tremonia Bullfrogs, dont je fais la rencontre pour la première fois depuis mon intégration. Nous sommes heureux et bouillants, l’ambiance est déjà dingue avant le coup d’envoi. Le traditionnel « You’ll Never Walk Alone » est jouissif, écharpes tendues, chants à l’unisson. On est prêts à vivre un moment inoubliable ! Du côté des hommes de Peter Bosz, choix fort d’aligner Sahin & Weigl, deux joueurs en concurrence pour le poste de sentinelle, retour de Pulisic, notre jeune feu-follet américain, également de Sokratis, notre patron derrière, un des rares qui surnage dans notre groupe en ces temps où il y a clairement une crise de résultats. Pour les hommes du jeune Domenico Tedesco, c’est du classique sauf la présence de l’international allemand Goretzka, de retour de blessure, sur le banc. Les trois dernières confrontations se sont soldées par des matchs nuls, ce soir il faut que ça change : WIR WOLLEN DEN DERBYSIEG !
Après 10 minutes de round d’observation, on voit des Blauen qui quadrillent bien le terrain pour empêcher notre jeu de passes, en témoigne une première frayeur dès 50 secondes de jeu… Fort heureusement, ils semblent être passablement tendus, énormément de fautes sont sifflées, Herr Aytekin sort déjà la boîte à cartons pour McKennie à la 3ème minute, s’en suivront bien d’autres jaunes dans cette partie… Première approche du BVB aux alentours de la surface, Aubameyang centre pour personne, Pulisic la récupère et la centre encore, déviation de Nuri Sahin, Aubameyang se jette, poteau ! Il la reprend, but… oui… ? OUI TOOOOOORRR !!! De loin, on ne voit pas très bien ce coup de billard, la Nord exulte, du coup explosion littérale du mur jaune, première Bierdusche ! Ah que c’est bon !!! 5 minutes plus tard, une nouvelle faute de Schalke offre un coup-franc excentré à Sahin. Il le frappe, personne à la réception… Stambouli veut intervenir mais c’est complètement raté, Fährmann avait anticipé, la balle roule doucement au fond des filets, EIGENTOOOOOOR !!! Et ça fait 2-0 pour nos Jungs qui n’en demandaient pas tant ! Merci à notre compatriote français pour le coup de pouce ! La furia continue, à la suite du coup d’envoi, les Blauen se créent une occasion, finalement c’est un contre qui se dessine avec Aubameyang en mode dragster qui dépose littéralement son vis-à-vis et envoie un caviar au second poteau pour Mario Götze qui met sa tête en opposition, QUEL CONTRE, ÇA FAIT 3-0 !!! La Süd est en fusion, les gens se serrent dans les bras, ils crient leur joie à gorge déployée, j’en lâche même une larme de joie, où va-t-on nous arrêter ??? 3-0 en 20 minutes de jeu face à l’ennemi juré !!! Quelles émotions ! Et 5 minutes plus tard, ça repart, Aubameyang et Yarmolenko se font des petites passes, frappe contrée dans la surface, ça revient sur Guerreiro, et pourquoi pas…….. ET POURQUOI PAAAS !!! TOOOOOR 4-0 !!! Pincez-moi je rêve ! Nous sommes littéralement transcendés par le contexte de cette partie, les Blauen déjouent et Dortmund retrouve ce qui avait fait sa force en début de saison. Un pressing fort sur l’adversaire, récupération haute, jeu rapide sur les ailes et surtout, une solidité défensive retrouvée avec un nouveau dispositif que l’on perçoit vu d’en haut. Trois défenseurs que sont Schmelzer, Sokratis & Töprak ; deux milieux récupérateurs Sahin & Weigl, Götze dans un rôle de 10, Pulisic et Guerreiro mangent les côtés et Yarmolenko qui tourne autour d’Aubameyang. A aucun moment, nous avons vu ce 4-3-3 offensif que Bosz mettait en place jusqu’à mardi dernier en Champion’s League. Serait-ce le renouveau tactique que l’on réclamait ces derniers temps ? Ces préceptes que Bosz imposait dans son système mais qui n’était plus respectés. Aujourd’hui, tout fonctionne à merveille !
…enfin, c’est ce qu’on voyait
Dès lors, Tedesco réagit et lance Goretzka et Harit à la place de Di Santo (inexistant) et McKennie (pas à son aise et déjà averti d’un jaune). Les Blauen reprennent plutôt possession du ballon, sans trop en faire, nous n’en retiendrons pas plus pour cette première mi-temps exceptionnelle pour Dortmund qui mène 4-0. Schalke effectue son troisième changement en sortant Kehrer (déjà averti et qui aurait pu se faire exclure d’ailleurs…). Ils reprennent la possession de balle en seconde mi-temps et croient même revenir à 4-1 sur un coup de pied arrêté. But refusé par vidéo assistance (on a beau la critiquer mais finalement, on est bien contents qu’elle annule ce but-là !). Aubameyang, suite à un gros pressing sur Fährmann, manque de peu le 5-0. Schalke revient sur une longue transversale de Stambouli, reprise de la tête de Burgstaller qui lobe Weidenfeller, qui jusqu’ici était impeccable pour son 24ème derby, ça fait 4-1. Mais le BVB se recroqueville et il devient difficile de garder le ballon. Konoplyanka déborde et centre, tout le monde est lobé. Harit, seul, convertit l’offrande dans un trou de souris… 4-2, il reste une demi-heure à jouer. A ce moment précis, je ressens un mauvais pressentiment. Nous sommes méconnaissables et retombons dans les travers des précédentes rencontres, les joueurs semblent perdus, n’arrivent plus à garder cette maîtrise, les ballons sont très voire trop vite rendus aux adversaires, la supportrice à côté de moi s’en cache même les yeux, elle a peur, elle n’est pas en confiance pour la suite. C’est vous dire…
Bosz fait du coaching, Bartra remplace Yarmolenko, clairement, on veut bétonner et cela ne nous ressemble pas, ce n’est pas la philosophie du club… Preuve d’un cruel manque de confiance. Et l’état d’esprit a complètement changé puisque ce sont les Dortmunder qui déjouent, qui font des fautes… et qui vont le payer cash. Harit, très percutant, provoque la faute d’Aubameyang, déjà averti. Herr Aytekin exclut l’attaquant gabonais, le BVB se retrouve à 10. On pensait avoir un retour de karma lorsque Castro, lancé en contre, balaye Harit qui se tord de douleur, ne pouvant plus poser le pied par terre, Schalke se retrouve à 10 aussi… Finalement, le joueur revient. Zagadou remplace Guerreiro, Dortmund se place à 5 derrière avec Schmelzer plus axial que Zagadou, incompréhensible, comment on peut mettre un joueur d’1m90 sur le côté alors que Schmelzer fait bien plus gringalet… ?! On le paie quasiment dans la foulée, Zagadou en voit de toutes les couleurs face à Caligiuri qui, servi par Stambouli, déborde son côté droit, repique dans l’axe, personne n’intervient, frappe du gauche en lulu, 4-3, 87ème de jeu. 7 minutes supplémentaires, c’est insoutenable. Les ultras n’arrivent plus à lancer les encouragements, on entend plutôt les Schalker qui sont dopés par cette remuntada folle, vont-ils l’accrocher ?
Le coup de massue
94ème minute, corner de Konoplyanka, Zagadou au marquage de Naldo se fait complètement endormir, le vétéran bleu envoie un coup de casque. Nothing to say. 4-4. Le Gästeblock explose, la Süd est écoeurée, certains vieux briscards quittent la tribune. Il ne se passera rien de plus dans le temps additionnel, alors qu’on pensait voir Schalke une ultime fois à l’assaut de la cage jaune et noire. That’s it. Pas de vainqueur pour ce derby, une fois de plus. Les ultras sont en colère, le gardien de Schalke effectue un geste indécent face au mur, Sahin réagit, tous les Dortmunder accourent vers le début d’échauffourée. Une poignée de supporters commence à forcer le passage pour rentrer sur la pelouse. Je suis sans voix. Les esprits peinent à se calmer, une fois tout le monde de retour en tribune. Nouvelle bronca assourdissante. Non, le mur ne peut pas pardonner cela. Les joueurs sont postés face à eux. Le regard vide, ils sont sonnés. Ils ne savent pas ce qui viennent de leur arriver, ils aimeraient demander pardon. Pas de musique dans les haut-parleurs comme à chaque fin de match. Les joueurs s’en vont aux vestiaires, qu’attendaient-ils en se pointant face au mur ? On veut des explications sur ce naufrage !
Tout en essayant d’apporter un regard objectif, mon opinion est simple. On a su trouver tactiquement la solution face à Schalke qui possède également une bonne défense. Avec l’envie, on a fait de belles choses. Ce 4-0 est arrivé de manière si précoce, il faut derrière savoir le gérer. Les choix du coach pour ce match ne me paraissent pas délirant, même si je trouve ça assez moche de bétonner à 4-2…
C’est plutôt une question de confiance et de mental qui aboutit à ce naufrage, nous sommes dans une spirale très négative en ce moment avec une seule victoire (en Pokal) sur les 10 derniers matchs. Le discours du coach ne semble pas vraiment passer auprès des joueurs, il y a pas mal de turn-overs (on n’est pas épargnés par les blessures non plus) … Mais on a su montrer une bonne première mi-temps alors on ne peut pas se cacher derrière mille excuses. Le problème sur ce match a été psychologique. L’esprit guerrier était là pendant 30 minutes, nous, on veut cet esprit tout le temps. Que les mecs se déchirent jusqu’à l’ultime seconde. Concernant la prestation de Schalke, ils ont surfé sur la dynamique positive face à une équipe en perdition. Le début de match était vraiment mauvais sur le point de vue tactique, on doit souligner que Tedesco s’est remis en cause pour faire ses 3 changements avant et pendant la mi-temps, il en aura tiré le meilleur avec un Harit très remuant et buteur et un Goretzka qui a pris le dessus au milieu de terrain dès son entrée en jeu. Les statistiques du match sont assez équilibrées en termes de tirs, mais le BVB n’a pas eu en majorité la possession sur les 97 minutes de jeu (47-53). Et ça, ça fait tâche quand tu es chez toi face à l’ennemi.
Réagir au plus vite !
C’est un résultat dur à accepter, il va tout de même falloir s’en remettre rapidement parce que de nouvelles échéances compliquées arrivent (Leverkusen/Madrid…) et qu’il y a un écart de fait entre les 4 premiers et nous. Mais nous, supporters, on sera toujours là, on ne lâchera pas l’équipe car elle a besoin de nous, on était là dans les bons moments, mais on était là lorsque le BVB était 18ème sous Klopp il n’y a pas si longtemps. Alors sur ces belles paroles, on profite tout de même entre amis du moment présent, quelques bières, un repas chaud et une promenade au Weihnachtsmarkt de Dortmund avec nos jolies tasses collector remplis de Glühwein, c’est tout de même un week-end génial que l’on vit ici. On retrouve nos amis suisses que l’on n’a pas vu depuis plusieurs mois, on rencontre un allemand au supermarché qui est super sympa, on parle anglais, allemand, français… C’est pour cette raison que j’ai ravalé ma fierté assez rapidement, j’ai déjà accepté le résultat, malgré que l’orgueil soit touché, j’ai surtout profité du moment présent et des souvenirs que je ramènerai dans mon sac à dos et dans cet article que j’ai écrit avec passion. Je retiendrai en premier que j’ai vu un match de folie qui m’a procuré des émotions incroyables. C’est surtout pour ça que j’aime le football. Et je reviendrai. Encore et encore. Parce que j’aime passionnément ce club et tout l’environnement qu’il y a autour.
Encore quelques jours d’attente avant de revenir au Westfalenstadion pour un Heimspiel face au Werder Bremen qui, on l’espère, sera aussi prolifique en buts que celui de l’année dernière. La victoire sera indispensable dans une « semaine anglaise » où l’on va se déplacer deux fois avant ce match. Kopf hoch Jungs, les fans ne laisseront pas passer une nouvelle contre-performance à la maison. Mais ils ne vous lâcheront pas, vous avez les armes pour faire quelque chose de beau.
Auf Wiedersehen Dortmund und wir treffen uns in 10 Tage !
Diego Perez
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