Une île paradisiaque, des plages de sable fin bordant une eau limpide, des chaumières aux allures de village de hobbits, des nuées d’oiseaux sur des bancs de sable inaccessibles, un phare au bout du monde planté entre une mer turquoise et des pinèdes égayées par le blanc du sureau et le jaune du jasmin en pleine floraison… et 200 Borussen au milieu de ce jardin d’Eden. Notre équipe ne nous a pas amené souvent au paradis lors de la saison écoulée, cela ne nous a pas empêché d’y aller une fois le championnat terminé.

C’est une tradition solidement ancrée dans le grande famille du Borussia : une fois la saison terminée, les mois de juillet et surtout de juin, ces longs mois sans BVB et sans football, sont consacrées aux fêtes des Fanclubs. Même quand il n’y a pas beaucoup de raisons de fêter, comme cela est le cas après cette saison compliquée. Mais c’est l’occasion de se réunir une dernière fois, de partager notre passion, de se voir loin du stress des matchs, de débriefer la saison écoulée, d’échanger nos espoirs et nos craintes pour la saison à venir, d’avaler quelques saucisses et d’écluser quelques bières. Comme la saison dernière, nous avions le privilège d’être conviés à la fête du 1. BVB-Fanclub Rügen Inselborussen, sur l’île de Rügen en mer Baltique, aux confins de la Pologne et de la Suède.

Stralsund

Notre périple débute véritablement à Stralsund, la cité portuaire du Nord-Est de l’Allemagne, capitale de la Mecklembourg-Poméranie-Occidentale. La cité de la mer Baltique est assez éloignée des stéréotypes que l’on prête généralement aux villes de l’ex-Allemagne de l’Est. Ici, point des affreux blocs de bétons qui caractérisent souvent l’ancien « paradis » des travailleurs. On découvre la vieille ville pavée et piétonne, les monuments, la charmante gare historique, de la verdure et surtout de l’eau, beaucoup d’eau. Pour s’en rendre compte, il suffit d’escalader le clocher de la St.-Marien-Kirche, l’église Sainte-Marie de Stralsund, qui fut au XVIIème siècle le plus haut bâtiment du monde, avant de voir son clocher frappé par la foudre. Si elle a été largement surpassée depuis lors, l’ascension reste assez sportive, au milieu des gigantesques cloches. Mais l’effort en valait la chandelle, avec une vue magnifique sur le port, la vieille ville, les parcs, les nombreux bras d’eau qui reviennent dans la ville, le pont à haubans qui relie l’île de Rügen au continent et, au loin, l’île elle-même.

Rügen

Mais nous n’avions point l’occasion de musarder : nous étions attendus pour la Sommerfest des Inselborussen. Nous franchissons donc le pont avce le train pour gagner l’île de Rügen, un petit coin de paradis, encore méconnu des touristes, et la féérie commence. Le paysage oscille entre campagne et mer, des champs de blé dorés aux falaises de craies qui ont fait la réputation de Rügen, des (rares) ondulations verdoyantes aux bras de mer qui traversent l’île de partout, des petites maisons aux toits de chaume aux oiseaux qui parcourent les cieux azurs. A mesure que nous nous approchons des côtes est et nord de l’est, les lieux deviennent plus balnéaires et méditerranéens. Nous finissons par arriver à notre destination, le pittoresque village de Breege, et notre bungalow, (presque) les pieds dans l’eau.

Strandparty

Au programme de la première journée de la Sommefest : une Strandparty, une fête sur la plage. C’est sur la plage de Juliusruh que ça se passait : une plage de sable fin qui s’étend sur des kilomètres, autour d’un golf sur la mer Baltique, le Tromper Wiek. Nous étions au début du mois de juin et la plage était presque déserte.

Mais nous finissons par apercevoir une teinte jaune vif familière au milieu du jaune blond du sable. Les bannières des Fanclubs, les maillots du BVB, les chants du club, la bière qui coule  flot : nous étions bien arrivés à destination.

On salue les potes, on s’installe et on commence les théories. Nous venions d’engager un entraîneur venu d’un petit village de la campagne suisse, la probabilité était mince de voir débarquer un fan venu du même village, ici sur cette plage paradisiaque à 900 kilomètres de Dortmund, pourtant je suis bien là et forcément sollicité pour parler un peu de mon concitoyen qui doit nous ramener sur le chemin du succès. On abandonne toutefois quelques instants les théories pour aller goûter aux joies de la baignade dans une eau délicieuse, nonobstant quelques méchants courants glaciaux en profondeur venus de Suède ou de plus loin encore…

La quiétude de la baignade est à peine troublée par un canot pneumatique, jaune, sur lequel sont allumés des Pyros, jaunes évidemment, puis par un quad aux couleurs du BVB qui fait irruption sur la plage. Les enfants (et pas que…) s’amusent à dégommer des boîtes de conserve à l’effigie de Schalke et du Bayern à coup de balles de tennis.

Le programme des festivités prévoyait un tournoi de football de plage, le terrain était en place, mais l’heure était plutôt au farniente et à la bière, les heures s’écoulent langoureusement sous le beau soleil de la Baltique et le jour a commencé à se coucher sur la plage de Juliusruh que nous n’avions même pas encore tiré les équipes. Tant pis pour le tournoi de foot, ce sera pour l’année prochaine.

Grillparty

Pour la suite des festivités, nous quittons la plage pour aller au pied des pins voisins pour le repas du soir.

La fête aus Deutschland, c’est rarement très original mais toujours efficace : une tonnelle avec de la bière et un grill avec des saucisses, que demande le peuple ? C’était la semaine précédant le coup d’envoi de la Coupe du Monde et, sous une tente, une télévision diffuse le dernier match de préparation de la Mannschaft, contre l’Arabie Saoudite. Mais, malgré la présence de Marco Reus sur le terrain, absolument personne ne le regarde : la tv était surtout allumée pour ne pas rater le tirage au sort du 1er tour de la Pokal qui suivait le match. Bien avant l’élimination de l’équipe d’Allemagne, cette Coupe du Monde suscitait beaucoup de scepticisme outre-Rhin : le style de jeu perdu de la Mannschaft, les attributions à la Russie et au Qatar sur fond de corruption, les scandales à la DFB et à la FIFA, il y avait trop d’ombre sur ce WM pour susciter un véritable engouement ; d’ailleurs quelques jours avant le coup d’envoi, rares étaient les drapeaux aux fenêtres, même à Berlin que nous avons traversé en coup de vent sur notre trajet. Et la suite des événements a donné raison aux sceptiques : le fiasco de la Mannschaft, la pauvreté du jeu et du spectacle présentés, le sketch de la VAR qui a fini par fausser l’issue de la compétition, l’absence de fans et d’ambiance en tribunes, le triomphe de l’attentisme, de l’antijeu, de la simulation et de l’arrogance et, pour clore le tout, les pathétiques récupérations politiques, chez les perdants comme chez les gagnant, dans les dictatures comme dans les démocraties, à droite comme à gauche et en même temps… Bref, en Allemagne et à Dortmund en particulier, tout le monde est soulagé que cette daube soit terminée et on se réjouit se retrouver une vision un peu plus saine du football que la triste image de notre sport favori vue sur les pelouses russes. Mais je m’égare, revenons à nos bières et nos saucisses. La soirée s’écoule joyeusement sous la nuit tombante de Rügen. Au-delà du jeu, c’est cela aussi la magie du BVB, rencontrer des gens que rien nous ne prédisposait à croiser un jour sur cette île d’ex-RDA et partager ces moments d’amitié, de passion, de fête jusqu’au bout de la nuit. Enfin, presque.

Hiddensee

Presque car, le lendemain, le réveil était fixé aux aurores ou quasi : le programme était copieux et le rendez-vous était programmé tôt dans la matinée pour la suite de la Sommerfest. C’est une joyeuse équipée jaune et noire qui embarque sur le bateau, alors que les drapeaux schwarzgelben flottent au vent.

Malgré l’heure un peu matinale, la bière est déjà au menu, c’est l’occasion de constater qu’ils ont d’excellentes bières locales, la Lübzer, la Störtebeker (du nom d’un célèbre pirate) et la très corsée Baltic Ale de l’Insel Brauerei Rügen.

Notre bateau chemine calmement à travers les paysages enchanteurs du Großer Jasmunder Bodde, du Rassower Strom et du Schaproder Bodden, des bras de mer qui s’enfoncent dans les contours échancrés de l’île de Rügen.

Le but du voyage était l’île d’Hiddensee, au nord-ouest de Rügen, dans le Parc National de Poméranie Occidentale. Avant d’arriver à destination, nous longeons des bancs de sable inaccessibles et interdits à l’homme où s’ébattent des nuées d’oiseaux.

Nous débarquons puis entreprenons la traversée de l’île au moyen de l’un des deux seuls moyens de locomotion tolérés, avec le vélo, en ces lieux protégés : la calèche à cheval. Notre convoi jaune et noir chemine au milieu des paysages sauvages d’Hiddensee avant de nous déposer sur le site d’un ancien cloître, où résida jadis Albert Einstein.

L’endroit a des faux airs de village de Hobbits, avec des petites maisons, quelques boutiques à touristes et quelques bars, bien sûr, un endroit bucolique dont la quiétude est soudain troublée par l’arrivée inopinée de 200 Borussen. D’habitude, ce genre d’invasion pacifique, joyeuse et bruyante se déroule plutôt en marge d’un match, sauf que là plus d’un mois nous sépare du premier amical et nous sommes à 900 kilomètres du Westfalenstadion. Mais la marée jaune est bel et bien là. Borussia ist überall.

Leuchtturm Dornbusch

La suite du trajet se fait à pied, toujours sous un soleil radieux, dans un environnement méditerranéen.

 

Les pins, la garrigue, le chant des criquets et des oiseaux, les sureaux et les jasmins en fleurs, les argousiers, le fameux Sanddorn, spécialité locale, avec laquelle ils fabriquent thé, confitures, épices et même schnaps : il est difficile d’imagine que, là-bas, derrière l’horizon, se dressent les côtes suédoises.

Aux fleurs jaunes des jasmins des landes viennent s’ajouter les maillots jaunes des fans qui progressent, avec plus ou moins d’aisance, sur le sentier qui conduit à « l’ascension » du plus haut sommet de l’île, lequel culmine à 72 mètres au-dessus du niveau de la mer…

On n’est pas tout à fait dans les mêmes altitudes qu’à Bad Ragaz, autre haut-lieu de l’été du fan dortmundois. Et, au sommet, on trouve le phare, le Leuchtturm Dornbusch, l’un des deux phares emblématiques de Rügen avec celui du Kap Arkona.

Les drapeaux sont hissés en haut du phare d’où la vue est à couper le souffle.

Fatalement, la présence massive de Borussen dans un lieu aussi insolite, aux airs de bout du monde, n’est pas passée inaperçue : une chaîne de télévision locale a dépêché un reporter pour lequel nous entonnons l’un de nos chansons fétiches, de circonstances : Leuchte auf mein Stern, Borussia. Des moments de grâce : définitivement le Borussia c’est bien plus que du football.

Auf Wiedersehen !

C’est à regret que nous quittons cet endroit magique pour retourner à nos calèches, que nous avons bien failli rater pour cause de quelques haltes prolongées dans les bars et restaurants d’Hiddensee.

Mais, finalement, nous parvenons à attraper au pied levé la dernière calèche et à rejoindre notre bateau où la fête se poursuit. Lors du trajet retour, nous sommes partagés entre l’envie de siroter une bière sur le pont du bateau devant les somptueux paysages de Rügen ou participer à la partie « officielle » dans la cabine. Finalement, on fera les deux. Je parviens même à remporter deux fois la mise lors de la vente aux enchères d’articles de fans du BVB, un drapeau géant et le premier lot, donc j’ignore en quoi il consiste, dès lors que je n’ai toujours pas été le retirer mais, d’après les rumeurs, il y aurait du schnaps dans le lot…

Une fois de retour à notre port d’attache de Breege, la fête se poursuit sur le bateau qui a servi de restaurant pour le repas du soir. Si la saison borusse 2017-2018 n’aura pas été la plus satisfaisante que nous ayons connus, elle se sera au moins conclue de la plus belle des manières avec cette Sommerfest des Inselborussen, merci à Karolin, Nadine, Dietmar, Jürgen et tous les autres pour l’organisation et l’invitation, on se réjouit déjà de revenir sur l’ile enchantée des Borussen.


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