Hans-Joachim Watzke était l’invité de l’émission vedette de la chaîne ARD Sportschau dimanche soir. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il aurait mieux fait de rester confiné chez lui ce jour-là. Car les déclarations dénuées d’empathie et uniquement financières de notre Geschäftsführer ne lui ont valu que des critiques et n’ont été pas vraiment donné la meilleure image de notre club. Heureusement, Aki semble avoir compris et donne depuis dans le rétropédalage.

Les déclarations d’Hans-Joachim Watzke sur Sportschau.

La situation actuelle de la Bundesliga.

Nous sommes touchés dans tous les domaines mais nous devons nous rassembler derrière les autorités politiques. Nous avons toujours trouvé un partenaire de contact au gouvernement fédéral. On doit maintenant montrer de la solidarité.

La poursuite de l’entraînement.

Nous devons partir du principe que nous finirons par revenir à la normale. Nous ne devons pas trop en faire car je ne qualifierai pas le risque de si grave pour la santé d’une équipe composée d’athlètes de haut niveau.

Le renvoi de la 26ème journée (et donc du Derby).

Le football a tout fait pour garantir une minimisation absolue des risques. Si nous avions joué le Derby sans spectateurs, cela aurait soulagé la ligue de 75 millions d’euros. Mais nous avons remarqué que tous les clubs n’étaient pas du même avis.

L’importance de la Bundesliga.

La valeur du football est déterminée par les citoyens allemands. S’ils disent que nous ne sommes plus si importants, nous l’acceptons. Mais je ne vois pas cela pour l’instant.

La poursuite de la saison 2019-2020.

Nous allons penser à tous les scénarios. Si nous jouons à nouveau cette saison, il y aura à nouveau des matchs à huis-clos, c’est clair.

Les conséquences financières d’une interruption de la saison et l’éventuelle création d’un fonds de solidarité pour aider les clubs les plus en difficultés.

Si nous parlons de 750 millions de pertes, le Bayern Munich et le Borussia Dortmund paieront bien sûr plus que les autres clubs. J’ai la responsabilité de 850 collaborateurs. Mais nous trouverons sûrement des approches pour travailler en solidarité. Nous ne voulons pas que le salaire des joueurs soit payé par le contribuable. Si l’arrêt de la saison arrive, alors ce sera très, très difficile pour certains clubs. Mais nous avons une entreprise économique. Et honnêtement ce sont des concurrents. Et il faut équilibrer très précisément ce qui est de la concurrence et ce que ne l’est plus. A la fin du jour, les clubs qui ont bien travaillé et qui ont mis un peu de matelas de côté ces dernières années ne peuvent par principe pas récompenser les clubs qui ne l’ont pas fait.

Des réductions de salaire.

Si cela dure longtemps, nous devons bien sûr nous poser la question. Mais cela ne peut se faire que sur une base volontaire. Cela devra certainement être vérifié mais je ne suis pas du tout confiant.

Le renvoi de l’Euro 2020.

C’est complètement clair que c’est la clé de beaucoup de problèmes. C’est pourquoi je pense que cela arrivera (n.d.l.r : interview réalisé avant l’annonce officielle du renvoi de l’Euro 2020).

Notre avis

Vendredi dernier, la DFL a tout fait pour jouer la 26ème journée à huis-clos. Vendredi matin, elle annonçait que les matchs étaient maintenus. L’enjeu était financier : les droits TV sont versés en quatre tranches et la quatrième devait être versée après la 26ème journée. Cela représente environ 75 millions d’euros pour la DFL, ceux dont parle Hans-Joachim Watzke dans l’interview, mais aussi de environ 30 millions pour les clubs les mieux lotis comme le Bayern Munich ou le Borussia Dortmund à 8 millions pour les moins bien dotés comme Paderborn. C’est pourquoi la ligue tenait absolument à jouer, même à huis-clos, et tant pis si cela devait déboucher sur un Derby BVB – Schalke tronqué, devant des gradins vides.

Et peu importe les risques de contamination que cela pouvait impliquer entre joueurs ou entre fans qui n’auraient pas manqué de se rassembler pour regarder le match. Joueurs, entraîneurs, arbitres, associations de fans ou médias se sont tous prononcés contre le maintien des matchs. Et nous étions contents de voir que notre BVB, par l’intermédiaire de son directeur sportif Michael Zorc, qui s’était prononcé clairement contre la tenue du Derby à huis-clos, se trouvait du bon côté. Soit de ne pas jouer absolument des matchs dans des conditions très insatisfaisantes et même dangereuses du point de vue sanitaires pour de vils motifs financiers. Le seul qui s’est publiquement prononcé pour un maintien des matchs, c’est Karl-Heinz Rummenigge, dirigeants du club le plus riche d’Allemagne, parce que « c’est une question de finances. » Finalement, la pression a été trop forte, les joueurs de Düsseldorf et Paderborn, qui devaient débuter la journée vendredi soir, refusaient de jouer, et la DFL a été obligée de renvoyer tous les matchs, comme l’avaient déjà fait toutes les grandes ligues européennes avant la Bundesliga.

Nous avons donc été très désagréablement surpris de voir que Karl-Heinz Rummenigge n’était pas le seul à vouloir jouer à huis-clos, en dépit de tout bon sens. Il n’y avait pas unanimité au sein du BVB et, contrairement à Michael Zorc, Hans-Joachim Watzke tenait lui aussi à jouer à tout prix le Derby, même sans fans, juste pour toucher ses droits TV. J’ai un immense respect pour notre Geschäftsführer. Si notre club existe encore aujourd’hui, c’est en grande partie à lui qu’on le doit. Il a réussi en un temps record à redresser un club exsangue financièrement et sportivement englué dans les profondeurs du classement pour en refaire un club de pointe qui joue les premiers rôles chaque année. Peut-être encore plus remarquable, Aki a su garder la tête froide quand le succès est revenu.

Après les Meisterschale de 2011 et 2012 et la finale de Königsklasse 2013, il a évité le piège d’investir massivement de l’argent qu’il n’avait pas pour absolument remporter des trophées chaque année, comme l’avaient fait Gerd Niebaum et Michael Meier après la victoire en Ligue des Champions 1997, avec les conséquences désastreuses que l’on sait. Au contraire, le BVB a profité de son succès pour finir de rembourser sa dette et grandir très progressivement pour s’installer tranquillement mais sûrement comme la deuxième puissance du football allemand. Ce que n’ont pas su faire des clubs contre Stuttgart, Hambourg, Brême ou Schalke qui, sportivement et financièrement, étaient loin devant nous en 2010 et qui sont aujourd’hui clairement derrière, voire même en Zweite Liga pour les deux premiers, parce qu’ils ont voulu promettre du rêve à court terme à leurs supporters. Nous devons tous être reconnaissants à Hans-Joachim Watzke pour cette gestion sage et rigoureuse.

Nous comprenons qu’il doit être frustrant que, tout à coup, des années de stratégie mûrement réfléchie et de contrôle strict des finances puissent être mises à mal parce qu’un Chinois dans une ville inconnue à l’autre bout du monde a trafiqué avec un pangolin. Mais c’est une situation exceptionnelle et tous les clubs sont dans le même bateau. Certes, le choc sera peut-être plus facile à encaisser pour les clubs artificiels qui peuvent aller puiser dans les poches sans fonds d’un investisseur on d’un mécène. Mais le BVB n’est pas non plus le club le plus mal loti. Le choc sera sans doute plus difficile à encaisser pour des clubs de deuxième, troisième ou quatrième division. Certains en sont déjà amenés à appeler à la solidarité de leurs fans, comme le VfL Bochum, le Rot-Weiss Oberhausen ou le Fortuna Köln, en vendant des billets pour des matchs annulés pour faire face à des soucis de trésorerie à court terme. Le directeur marketing de Schalke, qui n’a pas encaissé, contrairement à nous, les juteuses primes de participation à la Ligue des Champions cette saison, a même parlé de menace existentielle pour le club.

A Dortmund, nous n’en sommes pas là, Aki Watzke l’a lui-même annoncé. Certes, entre les droits TV, les pertes de recettes de billetterie et l’éventuelle réduction sur les montants de sponsoring, ce sont plusieurs dizaines de millions qui viendront à manquer dans les caisses si la saison devait s’arrêter là. Sans parler des conséquences à plus long terme, notamment des sponsors qui viendraient à faire défaut en raison des dégâts économiques du coronavirus ou des droits TV qui pourrait baisser si l’un ou l’autre des diffuseurs devait faire faillite en raison de cette fin de saison tronquée. Mais nous avons sûrement les moyens d’y faire face, cela pourrait même être une opportunité : diminuer les attentes et les ambitions pendant une ou deux saisons pour digérer les conséquences du virus permettrait d’enfin intégrer nos propres juniors en première équipe, ce que nous ne parvenons plus à faire depuis plusieurs saisons.

On a été d’autant plus surpris par les déclarations d’Hans-Joachim Watzke que, jusque-là, il avait toujours été en phase avec les attentes des fans. Bien sûr, il y a eu quelques concessions au foot business, le naming du stade, les VIP, les tournées commerciales en Asie ou aux Etats-Unis… Mais Aki a toujours su ne jamais franchir les lignes rouges qui auraient vraiment heurté les fans. Le prix des billets et des bières restent accessibles et populaires, le nombre de place debout a été augmenté, il s’est toujours battu pour le maintien de la règle 50+1 et a toujours critiqué les clubs artificiels comme Hoffenheim ou Leipzig, les VIP sont placés de manière à ne pas péjorer l’ambiance, la priorité est toujours donnée aux fans les plus fidèles… Dès lors, nous avons tous été un peu surpris d’entendre Hans-Joachim Watzke tenir un discours aussi obstinément financier que l’on croyait réservé au Bayern Munich, faisant fi de toute autre considération, à commencer par les questions de santé publique. Ce passage sur ARD a valu une avalanche de critiques à notre directeur général, de la part des fans du BVB d’abord mais aussi de dirigeants d’autres clubs. Même Dietmar Hopp, le mécène honni d’Hoppenheim, est venu lui faire la leçon, ça pique un peu. Bien sûr, cette crise est complètement inédite et Hans-Joachim Watzke a des raisons légitimes d’être inquiets. Comme nous tous et en particulier tous ceux qui sont aux responsabilités, à quelque niveau que ce soit. Mais personne ne peut dire aujourd’hui comment les choses vont évoluer : dans un monde idéal, tout recommence dans six semaines et la saison se finit presque normalement, quasiment sans perte. Ce n’est pas forcément le scénario le plus probable mais, en attendant, il faut garder la tête froide. Aki s’est rendu compte que sa communication n’avait pas été idéale lors de son passage à Sportschau : depuis, il a annoncé qu’il était prêt à renoncer à un tiers de son salaire de 1,9 millions d’euros par année si la saison n’allait pas à son terme et il a précisé sa pensée dans une interview donnée au magazine 11 Freunde. Histoire de corriger un peu l’impression désastreuse d’un dirigeant obnubilé exclusivement par les questions financières qu’il a laissée dimanche dernier.

Catégories : Nos Interviews

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