C’est avec des sentiments mitigés que nous avons quitté le Westfalenstadion mardi soir : d’un côté, il y’avait la satisfaction et la fierté d’avoir battu un jouet bâti à coup de centaines de millions d’euros pour gagner la Ligue des Champions, de l’autre le regret de ne pas avoir donné au score l’ampleur qu’aurait mérité notre domination et de ne pas avoir pris un avantage plus décisif avant le match retour. Néanmoins, l’exploit reste possible, surtout si les Parisiens sont aussi tétanisés par la peur qu’ils ne l’ont été au Westfalenstadion.

L’appréhension de ce huitième de finale de Ligue des Champions avait été assez étrange. Il y avait beaucoup d’excitation côté français, des longues semaines de reportage, de théories, de spéculations sur « le match de l’année ». En Allemagne, on n’en a que très peu parlé : on a une lutte passionnante en tête de la Bundesliga et le BVB a déjà assez de soucis avec l’instabilité chronique de ses performances pour se prendre la tête trop en avance avec la Königsklasse. Ce n’est qu’après la victoire contre l’Eintracht Francfort que l’on a commencé à se souvenir qu’il y avait ce match contre le PSG. La meilleure preuve que ce match avait été un peu zappé dans les esprits à Dortmund ? D’habitude, lorsque l’on joue contre un club jouet artificiel de ce type, un produit sans âme fabriqué de toutes pièces pour des raisons de marketing, d’égo ou, en l’occurrence, de soft power, la Fanszene dortmundoise organise toujours des actions, boycotts, défilés, banderoles ou autres pour dénoncer ces constructions mortifères pour notre sport favori. Chaque match contre Hoffenheim ou le RB Leipzig comprend son lot de revendications politiques, on se souvient des actions organisées autour du match d’Europa League contre le RB Salzburg sur le thème « Tradition schlägt jeder Trend ». Mais Paris n’a pas eu droit à tant d’honneur. Pourtant, le maître du club parisien, le Qatar, entre liens plus ou moins avérés avec la corruption, l’esclavagisme, la dictature ou le terrorisme, est tellement nauséabond qu’il ferait presque passer Red Bull ou SAP pour des œuvres de charité. Mais cette fois, rien du tout. D’ailleurs, j’avais failli oublier l’existence de ce match, je n’arrive qu’une heure quarante-cinq avant le coup d’envoi au stade, c’est tard, je manque une partie de la Biergartenrunde. Je déteste venir au stade aussi tard, j’ai l’impression de ne pas être complètement dans l’ambiance en ayant raté une partie de la préparation d’avant-match.

Poltrons Saint-Germain

Heureusement, l’ambiance magique du Westfalenstadion suffit à me remettre dans le coup. Quelques théories avec des potes, un wagon de bières, un nouveau Choreo somptueux, quoiqu’un un peu plus basique que contre Francfort et j’étais mobilisé à 1909% pour le coup d’envoi.

Le premier enseignement, c’est que le PSG s’est déplacé la peur au ventre. Cela ressort de la composition de Thomas Tuchel. Il a choisi d’improviser une défense à trois, en fait à cinq, pour tenter de contrer nos ailiers. C’est assez curieux comme approche pour un club qui a investi des sommes faramineuses pour marcher sur l’Europe d’aborder son premier match décisif de la saison sans chercher à imposer son jeu mais en bricolant un dispositif par crainte de deux gamins de 19 ans. A priori, Tuchel aime encore jouer les apprentis sorciers comme lors de son époque dortmundoise : on se souvient qu’il avait pareillement bricolé une défense à trois lors d’un déplacement à Munich en octobre 2015 et cela avait tourné à la catastrophe avec un 3-0 après vingt minutes. Certains prétendent que Tuchel est un entraîneur peu inspirant mais là il aura au moins réussi à transmettre sa peur à ses joueurs. Neymar a fait du Neymar, c’est-à-dire qu’il était par terre plus souvent qu’à son tour, Marquinhos, Thiago Silva et Kimpembe ont paniqué à chaque fois qu’Haaland avait le ballon et le milieu de terrain s’est fait manger par le duo Witsel-Can. Même leurs supporters se sont mis au diapason : alors qu’on les a croisé à faire les fanfarons en défilant devant la Hauptbahnhof trois heures avant le match, les groupies de Neymar sont restées bien silencieuses dans le stade face à 63’000 Borussen, clairement l’une des plus faibles prestations vues en parcage visiteurs au Westfalenstadion cette saison.

C’est cela qu’on veut voir

En début de match, on a surtout vu Axel Witsel. Le Belge était partout, cela nous rappelait ses six premiers mois au Borussia, sur la lancée de sa Coupe du Monde. Depuis le début de l’année 2019, on le trouvait un peu moins omniprésent mais là on a retrouvé le grand Witsel. Le duo qu’il forme avec Emre Can est très prometteur, surtout que l’international allemand est encore un peu en manque de compétition. Lorsque les deux hommes auront complètement trouvé des automatismes, cela peut donner le muscle et l’intensité qui ont trop souvent fait défaut au cœur de notre milieu de terrain. Et avec les retours de Delaney et Brandt, cela donnera vraiment des options intéressantes à Lucien Favre. Le BVB a donc complètement surclassé le PSG dans l’engagement, dans les duels, dans les collectifs… D’un côté, on avait une vraie équipe bien décidée à jouer crânement sa chance sans se poser trop de question, de l’autre, une somme d’individualités craintives et tétanisées par la pression. C’est le genre de physionomie de match qu’on adore voir au Westfalenstadion où tout le stade se lève et acclame chaque tacle, chaque duel gagné, chaque ballon récupéré. On se reconnaît beaucoup plus dans ce football là que lorsque notre équipe domine mollement en alignant les passes latérales.

Vaine domination

En revanche, il a manqué un peu de justesse dans la dernier geste. Nos joueurs extérieurs, qui avaient fait si peur à Thomas Tuchel, n’ont pas été aussi décisifs qu’en d’autres circonstances. Jadon Sancho a eu tendance à vouloir trop en faire, il a connu un déchet inhabituel, à l’image de cette frappe sur Navas alors qu’il avait deux coéquipiers au centre. Et Thorgan Hazard a beaucoup travaillé mais il a peu pesé offensivement, c’est d’ailleurs juste après son remplacement par Giovanni Reyna que sont tombés les buts. Néanmoins, les occasions étaient là : Keylor Navas doit s’interpose devant Sancho deux fois ou Hakimi alors que la frappe d’Haaland ne trouve que l’extérieur du petit filet. Alors qu’en face, rien à signaler ou presque, sinon un coup-franc non cadré de Neymar. La statistique de 7 tirs à 2 à la pause était assez exemplative de la supériorité jaune et noire. Et ça continue après la pause : porté par l’ambiance d’un Westfalenstadion bien décidé à voir ses Jungs concrétiser leur domination, le BVB démarre très fort mais ni Hakimi ni Haaland ne parviennent à trouver la faille. Forcément, quand tu domines sans marquer, tu finis par t’exposer aux contres adverses et cela aurait pu arriver si Bürki n’avait pas sauvé devant Mbappé peu après l’heure de jeu.

Haaland superstar

Finalement, le verrou qatari va sauter à un peu plus de vingt minutes de la fin. Reyna, Can, Witsel, Sancho et Hakimi concoctent une magnifique action à une touche pour placer Raphaël Guerreiro en bonne position, le tir du Portugais est contré mais Erling Haaland est le plus prompt à réagir pour lever la balle sous la transversale. Le stade peut enfin exploser pour ce but tellement mérité. Oui, mais voilà : même si, collectivement, c’était assez misérable, Paris possède des individualités qui peuvent à tout moment marquer des buts, même quand leur équipe ne montre rien du tout. Il a suffi d’un petit relâchement après l’ouverture du score et d’une glissade malheureuse de Zagadou pour permettre à Mbappé de démarrer et de servir Neymar pour l’égalisation. Un salaire royal pour le Qatar. Fort heureusement, la meilleure individualité sur le terrain mardi, elle portait un maillot jaune et noir : Erling Haaland. Le Norvégien a pesé durant 90 minutes sur la défense parisienne, il a harcelé Thiago Silva et compagnie sans relâche et il est vraiment intéressant par sa capacité à jouer dans les pieds en pivot. Et il va conclure sa prestation majeure en profitant d’un service de Giovanni Reyna pour inscrire le 2-1 d’une frappe du pied gauche surpuissance sous la barre. Le Westfalenstadion chavire, Nobby peut nous gratifier de son inimitable triple Eeeeerling…. Et au passage, il faut saluer le courage de Lucien Favre qui n’a pas hésité à lancer dans le grand bain un junior de 17 ans qui, il y a quelques semaines, jouait encore la Youth League l’après-midi devant quelques centaines de spectateurs.

Place aux choses sérieuses

Le PSG aurait toutefois pu réaliser le hold-up sur la fin, avec une frappe de Neymar sur l’extérieur du poteau et une tête de Thiago Silva juste au-dessus dans les arrêts de jeu. Alors certes, les superstars qataries n’ont pas démonté facilement la faible défense du BVB comme l’avaient annoncé la plupart des médias français depuis des semaines. Mais elles restent capables de créer le danger à tout moment, même quand leur équipe est dominée dans le jeu. C’est dire que le match retour n’aura rien d’une sinécure. Nous aurions pu et dû terminer ce match aller avec un avantage plus conséquent et nous allons peut-être le regretter. 2-1 à domicile, c’est une victoire de prestige toujours sympathique, surtout contre un adversaire aussi antipathique mais ce n’est pas forcément un très bon score en Coupe d’Europe.

Néanmoins, nous n’aurons toujours rien à perdre, c’est Paris qui jouera sa saison sur le retour et Tuchel son job : la pression sera très forte sur leurs épaules. Si on parvient à mettre la même intensité et à réussir un match aussi solide en défense (au passage, quel match de Lukasz Piszczek !) sans encaisser trop tôt, il y aura sans doute de la place pour aller marquer quelques buts. Avec un Haaland et un Reyna qui auront poursuivi leur apprentissage accéléré d’ici–là, avec un Sancho qui peut faire mieux que lors de ce match aller, avec peut-être le retour de Reus… Mais c’est de la musique d’avenir. Après cette petite récréation européenne, nous retrouvons les choses très sérieuses et la Bundesliga. Avec un déplacement à Brême où nos Jungs nous doivent une grosse revanche après leur prestation misérable et l’élimination sans gloire en DFB-Pokal. Nous avions vu ce soir-là que, même face à ce Werder en crise et plus menacé que jamais de relégation, nous ne sommes pas à l’abri d’une très mauvaise surprise si l’on aborde la rencontre en dilettante. Les victoires contre Francfort et Paris nous ont remis sur la bonne voie après les couacs de Brême et Leverkusen, nous aurions de la peine à pardonner à nos Jungs de retomber dans leurs travers et de nous ressortir l’un de ces non-matchs dont ils ont le secret.

Catégories : Au Stade

1 commentaire

mampionona landiharimanana · 21/02/2020 à 18:55

Vous faites vraiment un bon boulot ! force à vous !

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