Une étrange malédiction plane sur l’Allianz Arena : tous les clubs dont les supporters viennent profaner la quiétude et le silence des trilobites locaux repartent invariablement défaits du tombeau munichois. Le Borussia Dortmund en a fait l’amère expérience samedi contre un Bayern emmené par un éblouissant Knut Kircher.

Ceux qui ont la patience de lire régulièrement mes élucubrations germaniques ont sans doute deviné que j’avais quelques sympathies pour le Borussia Dortmund et une certaine aversion pour le Bayern Munich. Alors, fatalement, relater une défaite du BVB à Munich n’est pas l’article le plus exaltant que j’ai eu à écrire. Mais je n’ai pas l’habitude de me défiler, même pas en te donnant la recette de la Currywurst plutôt que d’écrire sur le Borussia parce que je suis déçu après une défaite.

Le tombeau

Si tu veux ressentir ce qu’a dû éprouver Howard Carter en pénétrant dans le tombeau de Toutankhamon, je te conseille le déplacement de l’Allianz Arena, lorsque le Bayern reçoit un adversaire aux supporters insignifiants, style Hoffenheim ou Leverkusen. L’antre du Bayern n’est rien d’autre qu’un gigantesque sarcophage de béton planté au milieu de nulle part dans une banlieue anonyme, sans l’ombre d’un Biergarten ou d’un stand saucisses aux alentours. Ce n’est guère plus accueillant à l’intérieur : la Paulaner de l’Allianz Arena est tellement insipide qu’elle ferait passer la Gaffel Kölsch pour de la tequila blanche, alors que les fans locaux mettent une ambiance proche du zéro. Tu passes du Hugues Auffray à la Pontaise un lundi soir de bise en décembre contre Gossau, ça fera plus de bruit que la chanson d’avant-match du Bayern. Heureusement que les 6’000 supporters jaunes et noirs ont chanté durant toute la rencontre, sinon on n’aurait pas eu l’impression d’être en Bundesliga.

Les statistiques

Les statistiques d’avant-match ne sont guère favorables au Borussia, qui n’a jamais gagné à l’Allianz Arena depuis son inauguration en 2005. La dernière victoire du BVB sur les bords de l’Isar date du jour de grâce du 28 mai 1997 et la victoire en Ligue des Champions contre la Juventus. Pour trouver trace d’une victoire dortmundoise à Munich contre le Bayern, il faut remonter à … 1991. De plus le Bayern reste, toutes compétitions confondues, sur dix victoires consécutives, avec un goal-average impressionnant de 36-10. De son côté, Dortmund vient d’encaisser deux défaites contre Stuttgart et Francfort. On se doutait qu’avec six titulaires de 22 ans ou moins et un effectif limité et décimé par les blessures, le BVB connaîtrait un passage à vide un jour ou l’autre. Il aura suffit qu’une défection, celle du jeune Sven Bender, passé en peu de temps du statut de remplaçant à celui d’élément essentiel du jeu dortmundois, contraigne l’entraîneur Jürgen Klopp à modifier son système pour que la belle mécanique se grippe, avec à la clé les couacs contre Stuttgart et Francfort.

A sens unique

Le sensationnel Bender de retour, Dortmund récupère son carré magique, avec Hummels et Subotic en défense centrale, Sahin et Bender en demis défensifs. Il n’en fallait pas plus pour que le BVB domine un début de match à sens unique. Après quatre minutes de jeu, les Bavarois Demichelis et van Bommel ont déjà sauvé deux fois sur la ligne sur des essais de Bender et Blaszczykowski. C’est donc en toute logique que le récent champion d’Afrique Mohamed Zidan a profité d’une erreur de van Buyten pour ouvrir le score. Le Bayern entre peu à peu dans son match et le gardien dortmundois Ziegler doit s’interposer sur des essais de Gomez et Müller. Lorsqu’il est mené au score, le Rekordmeister a deux solutions pour inverser la tendance : le goal de bourrin ou le cadeau arbitral. On aura droit aux deux. On commence par le goal de bourrin : après un corner joué un retrait, le capitaine Mark van Bommel arme une frappe improbable qui, après une malencontreuse déviation de Barrios et un mauvais rebond, surprend Ziegler. Sauvant ainsi les fans locaux, qui étaient en train de se fossiliser sur leur siège, de la thrombose. Si l’on ajoute deux sauvetages miraculeux de Butt et van Bommel devant Lucas Barrios en fin de 1ère période, il faut convenir que la parité à la pause était extrêmement flatteuse pour le Bayern.

Knut Kircher, le match winner

Le BVB avait laissé passer sa chance car le Bayern a fait la différence après la pause. A l’italienne : sur rupture et avec l’aide de l’arbitre. C’est tout d’abord Ribéry qui a offert le 2-1 à Robben sur un contre qui n’avait pas lieu d’être car entaché d’une faute de Demichelis sur Zidan que seul M. Kircher n’a pas vu. Nullement décontenancé par la partialité de l’arbitre, Dortmund est reparti à l’abordage mais Hans-Jörg Butt, meilleur bavarois samedi avec Knut Kircher, a réussi deux parades salvatrices devant Barrios et Bender. Avant que le trio arbitral n’offre définitivement la victoire au Rekordmeister en validant un goal de Mario Gomez malgré un hors-jeu manifeste. L’arbitrage de M. Kircher est d’autant plus scandaleux qu’il avait (déjà) officié lors du match aller en septembre dernier au Westfalenstadion en favorisant (déjà) éhontément la victoire du Bayern, avec une expulsion oubliée sur une agression de Schweinsteiger et une égalisation accordée à Gomez (déjà), en dépit d’un hors-jeu flagrant (déjà).

Votre haine est notre fierté

Cette prime d’arbitrage accordée au Bayern est d’autant plus détestable qu’elle est récurrente et que, sur l’ensemble d’une saison, les erreurs pour ou contre le Rekordmeister ne s’équilibrent pas, loin s’en faut. D’ailleurs, dès qu’un arbitre désavantage un peu le Bayern, les Beckenbauer, Hoeness et compagnie montent aux barricades pour l’incendier. On n’ose même pas imaginer le déferlement contre M. Kircher s’il avait commis les mêmes erreurs dans l’autre sens, avec probablement une rétrogradation en séries inférieures, alors que là il n’a rien à craindre. Et après on s’étonne que le Bayern soit détesté dans toute l’Allemagne, comme le proclame le t-shirt des fans bavarois devant moi « votre haine est notre fierté ».

C’est sûr que ce n’est pas l’ambiance de l’Allianz Arena qui va être un motif de fierté. Vu la température, c’était comme d’assister à une reconstitution archéologique pour déterminer si une glaciation avait pu causer l’extinction des trilobites. A priori non, les supporters locaux ont donné quelques vagues signes de vie sur les deux dernières réussites bavaroises. Sans doute grâce aux coussins, couvertures chauffantes et cigares, les trois articles les plus vendus à l’Allianz Arena. Pourtant, la très festive soirée à la Muffathalle nous a montré qu’il y avait des Munichois(es) qui savaient bouger et s’amuser. Ce ne doit pas être les mêmes que ceux qui vont au stade.

Ribéry, vraiment ?

A 3-1, le match était plié, avec des gros regrets pour le BVB qui subissait là sa troisième défaite consécutive. Pourtant, la manière est plutôt encourageante, avec 57% de possession du ballon et deux fois plus d’occasions que le Bayern. Il n’a manqué qu’un peu de réalisme et de réussite, ainsi qu’un arbitrage digne de ce nom, pour enfin vaincre la malédiction de l’Arroganz Arena. Mais, en poursuivant sur cette lancée, le BVB devrait pouvoir renouer avec la victoire dès samedi contre le moribond Hanovre. Quant au Bayern, il a sans doute réalisé sa performance collective la moins aboutie depuis quatre mois. Soit en gros depuis la dernière titularisation de Franck Ribéry en championnat. La danseuse de Boulogne n’a pas réussi grand-chose, sinon qu’il a été impliqué dans deux buts qui n’auraient jamais dû être validés. Nul doute que Louis van Gaal va devoir se poser la question de l’opportunité d’aligner conjointement les solistes Robben et Ribéry, l’équipe paraît plus équilibrée avec un seul des deux. En championnat, les Bavarois semblent avoir une certains marge et on ne voit désormais plus trop qui pourrait les empêcher de remporter le titre cette saison. En revanche, en Ligue des Champions, une performance du style de celle de samedi soir serait sans doute rédhibitoire. Surtout que M. Kircher ne sera pas là pour les sauver.

Bayern Munich – Borussia Dortmund 3-1 (1-1).

Allianz Arena, 69’000 spectateurs (guichets fermés).

« Arbitre » : M. Kircher.

Buts : 5e Zidan (0-1), 21e van Bommel (1-1), 50e Robben (2-1), 65e Gomez (3-1).

Bayern Munich : Butt ; Lahm, van Buyten, Demichelis, Badstuber ; van Bommel, Schweinsteiger ; Robben (82e Altintop), Müller, Ribéry (72e Olic) ; Gomez. Entraîneur: Louis van Gaal.

Borussia Dortmund : Ziegler ; Owomoyela, Subotic, Hummels, Schmelzer ; Bender, Sahin ; Blaszczykowski (74e Götze), Zidan (74e Hajnal), Großkreutz ; Barrios (85e Le Tallec). Entraîneur: Jürgen Klopp.

Carton : aucun.

Notes : Bayern sans Klose (blessé), Dortmund sans Rangelov, Kehl, Öztekin, Tinga, Feulner, Weidenfeller (tous blessés) ni Valdez (suspendu).

Classement (22 matchs) : 1. Leverkusen 48 2. Bayern 48 3. Schalke 45 4. Hambourg 39 5. BVB 36 6. Brême 34 7. Francfort 34 8. Mainz 31 9. Hoffenheim 28 10. Stuttgart 28 11. Mönchengladbach 28 12. Wolfsburg 25 13. Köln 25 14. Bochum 25 15. Freiburg 19 16. Hanovre 17 17. Nürnberg 16 18. Hertha 12.

Catégories : Au StadeRetro

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