Samedi, c’est en leaders que nous nous déplaçons à Francfort. Il y moins de cinq ans, c’était en lanterne rouge… Nous nous étions alors enfoncés très profondément dans la vallée des larmes dont traite la chanson Am Borsigplatz geboren. A l’aube d’un match de tous les dangers contre Hoffenheim, l’heure était plus que jamais à la mobilisation générale pour sortir de cette très mauvais passe « Gemeinsam durch das Tränental geschlossen Hand in Hand ».

Comme il y a trois semaines contre Mönchengladbach, nous nous réveillons un dimanche matin scotchés à la dernière place du classement. Inimaginable en début de saison et pourtant c’est notre triste réalité. Le préposé au calendrier ne nous a pas vraiment fait de cadeaux avec un nouveau Sonntagspiel à 17h30 : pour moi cela implique 1010 kilomètres d’(auto)route aller-retour dans la même journée, avec la perspective d’être au travail à 7h le lendemain. Mais, pour nous autres supporters, ce n’est certainement pas en larmoyant, en éructant des théories moisies de femme saoule ou en cherchant des coupables bien au chaud derrière son PC que l’on va aider notre club favori ; tout ce qu’il nous reste à faire, c’est d’affronter le froid de cette fin d’automne et les quolibets des fans adverses pour continuer à assurer une présence massive au stade et s’exploser la voix pour nos couleurs. Et là au moins, on peut être rassurés : ayant assisté aux deux matchs, je constate que, malgré notre classement précaire, nous sommes beaucoup plus nombreux dimanche à Francfort que ne l’avaient été les fans du Bayern trois semaines auparavant dans ce même stade.

La malédiction du corner

Malheureusement, cette fidélité indéfectible ne va guère être récompensée. Pourtant, les quatre premières minutes sont encourageantes. Mais, comme souvent, les problèmes débutent avec notre premier corner : depuis le début de cette saison maudite, un coup de coin en notre faveur n’est jamais source de danger pour l’adversaire mais représente un péril pour nous sur le contre. Et ça ne rate pas : dans l’enchaînement, un long ballon hasardeux surprend notre défense pas encore replacée et le Fußballgott local, Alex Meier, de retour en grâce après quelques tensions avec son entraîneur en début de saison, va seul tromper Weidenfeller avec une facilité déconcertante. Mkhitaryan bénéficiera d’une occasion presque similaire dans la minute suivante mais lui se heurte au gardien Wiedwald, prélude d’un quart d’heure calamiteux dans lequel nos Borussen auraient déjà pu sombrer corps et âme sans une tête ratée d’Aigner (où était le marquage ?) et un sauvetage de Weidenfeller.

Et une bévue de plus…

Ensuite, les débats vont s’équilibrer mais le match reste complètement décousu. Notre Borussia joue par à coups, avec quelques séquences encourageantes, mais reste d’une insondable fragilité, permettant à SGE de se procurer à intervalle régulier des balles de break sur des placements défectueux, des passes kamikazes ou des interceptions ratées de nos Jungs. Thomas Schaaf a bien imprimé son empreinte sur cet Eintracht 2014-2015 : même en menant au score, Francfort ne ferme pas le jeu, filtre peu à mi-terrain et laisse l’adversaire se procurer des surnombres en phase offensive. Soit typiquement le genre d’adversaire qu’un BVB en pleine bourre aurait sévèrement puni, comme l’on avait si souvent martyrisé le Werder Brême de Schaaf en d’autres temps. Mais, et c’est un euphémisme, unser Borussia n’est pas en pleine bourre en ce moment. Il y a bien quelques séquences de siège devant le but adverse, quelques actions où nous parvenons à mettre hors de position la peu mobile charnière adverse mais cela reste intermittent et désordonné. Nous avons en plus la malchance de tomber sur un obscur gardien remplaçant sorti de nulle part, Felix Wiedwald qui réalise le match de sa vie avec des parades décisives devant Mkhityryan, Aubameyang, Kehl, Ramos ou Gündogan. Et quand ce n’est pas le gardien, c’est le poteau qui annihile la tentative de Großkreutz. Finalement, après plusieurs avertissements sans frais, l’Eintracht va profiter d’une nouvelle bévue, une mésentente entre Weidenfeller et Ginter, pour assurer son succès par mon compatriote Haris Seferovic. Logique, c’était le week-end le plus faste de l’année pour le sport suisse, avec des succès et des lauriers en saut à ski et en curling et une flopée de buts et d’assists en Bundesliga avec Schwegler, Barnetta et Drmic, on se doutait bien que Seferovic allait aussi se joindre à la fête pour nous couler.

Borussia do Brasil

On ne saurait incriminer la malchance dans cette énième déconvenue. Francfort était bien plus cohérent dans son jeu, il a mérité sa victoire. En août 2011, j’avais comparé les jaunes de Borussia aux jaunes du Brésil, après nos cinq pénaltys ratés de la saison 2010-2011 et la séance de tirs au but catastrophique qui nous avait coûté la Supercup à Gelsenkirchen, la Seleçao ayant connu pareilles infortunes dans l’exercice du onze mètres à la même époque (notamment en Copa America). Dimanche, on a pu réitérer la comparaison : le BVB vu à Francfort m’ai fait penser au Brésil de la récente demi-finale de Belo Horizonte : une équipe désorganisée, désordonnée, sans repères ni patron en l’absence de ses leaders défensif (Hummels/Thiago Silva) et offensif (Reus/Neymar) et tétanisée par la pression et les objectifs élevés auxquels elle s’est elle-même astreinte. Seule la qualité moindre de l’adversaire a empêché le score de prendre davantage d’ampleur.

Abasourdis

A la fin du match, les réactions sont contrastées dans la marée jaune et noire. Pour la première fois, on sent un début de fracture avec l’équipe. Il y a quelques applaudissements, timides. Quelques invectives et bras d’honneur de gamins excités, des sifflets, plus nombreux. Mais la majorité des fans restent cois, sous le choc, abasourdis par ce qui est en train de nous arriver. Même les fans de Francfort semblent un peu gênés. Bien sûr, on a droit à quelques « Dortmund, Zweite Liga, so schön » ou « Absteiger, Absteiger », c’est de bonne guerre, on ne s’était pas trop gênés le jour de grâce du 14 mai 2011 quand on les avait relégués le jour même où l’on recevait le Meisterschale. Mais je pensais que l’on se ferait davantage allumer, il n’y a même pas d’ovation quand l’écran géant rappelle notre triste dernière place au classement. Je crois que toute l’Allemagne est un peu incrédule : Comment un club, unanimement présenté comme un modèle de réussite sportive, financière et populaire, tout en restant fidèle à ses valeurs historiques, en est-il arrivé là ? Pourquoi neuf ans de reconstruction patiente, méticuleuse et raisonnée peuvent-ils donner l’impression de s’effondrer comme un vulgaire château de cartes en quelques semaines ?

Entre mes visites hebdomadaires et nos débats quotidiens par WhattsApp interposé avec mon fan’s club dortmunois, je pense avoir une assez bonne idée du pouls du fan de base du BVB. Jusque-là, l’opinion dominante, c’était que nos difficultés n’étaient que passagères et que cela allait finir par tourner pour amorcer une remontée spectaculaire. D’ailleurs, après avoir touché le fond à Cologne et contre Hambourg, on avait discerné quelques signes de reprise : la première heure contre Hanovre avait été encourageante, le match contre Gladbach bon, il avait surtout manqué de réalisme. Et on avait réussi une première mi-temps de haut vol à Munich et solide à Paderborn. Mais la deuxième mi-temps à Paderborn, dans une moindre mesure le match balancé à Arsenal, et surtout cette gabegie francfortoise marquent un retour à la case départ, ébranlent sérieusement nos certitudes et commencent à nous faire douter en nos capacités à revenir sur les quatre premières places.

Mobilisation générale

Comme l’indique son nom originel, Waldstadion, le stade de Francfort est situé en bordure d’une vaste forêt au cœur de laquelle sont situés les parkings. En quittant l’arène, nous traversons donc des allées boisées non éclairées qui rappellent fortement les ruelles sombres et la vallée des larmes de la chanson Am Borsigplatz geboren. Et aujourd’hui même celui qui nous sert de guide depuis six ans, Jürgen Klopp, paraît un peu perdu dans la grisaille et l’obscurité de cet automne maudit, entre coaching douteux (Jojic, franchement…) et fébrilité extrême sur la touche. Jusque-là, le club a réagi avec sagesse et sérénité aux difficultés, sans céder à la panique ni dévier de la ligne de conduite claire qui l’a ramené sur le chemin du succès. Mais si, vendredi, sur le coup de 22h20, nous devions toujours être scotchés à cette dernière place après le match contre Hoffenheim, cela pourrait provoquer une déflagration dont le club risque de mettre plusieurs années à se remettre. Hoppenheim ironie du sort, l’anti-Dortmund par excellence, le club sans âme, sans histoire, sans palmarès, sans public, dont les valeurs sont aux antipodes des nôtres. Le club que l’on aurait pu et dû enfoncer et reléguer en mai 2013, et qui aujourd’hui, dans une situation inversée et avec des armes offensives autrement plus redoutables que celles de Paderborn ou Francfort, rêve de nous couler encore un peu plus, vu nos divers contentieux (la cible avec Dietmar Hopp, la sirène à ultrasons…)

Mobilisation générale (bis)

Je n’ai donc pas peur d’affirmer que cette partie contre Hoffenheim constitue le match le plus important de l’histoire récente du club, bien davantage que les matchs qui nous ont donné le titre contre Nürnberg ou Gladbach où l’on avait finalement tout à gagner et rien à perdre, sinon de différer la méga foire d’un semaine. Vendredi, on n’aura rien à gagner et tout à perdre, forcément c’est moins gratifiant. Mais je suis persuadé que tous ceux pour qui ce club compte vraiment mettront tout en œuvre pour venir le soutenir dans cette épreuve, quitte à se faire porter pâle au travail, à grever le budget cadeaux de Noël et vacances de neige ou à fâcher l’être aimé. Car l’Echte Liebe, ce n’est pas venir se faire mousser les jours de grande victoire ou les soirées de gala en Ligue des Champions mais bien de faire bloc derrière son club dans la difficulté, là où se reconnaissent les vrais amis. Aujourd’hui, plus que jamais : Gemeinsam durch das Tränental geschlossen Hand in Hand und am Ende der dunkeln Gasse ertstrahlt die gelbe Wand !!!

Eintracht Francfort – Borussia Dortmund 2-0 (1-0).

Commerzbank-Arena, 51‘500 spectateurs (guichets fermés).

Arbitre: M. Gagelmann.

Buts: 4e Meier (1-0), 78e Seferovic (2-0).

Francfort: Wiedwald; Chandler, Russ, Anderson, Oczipka; Hasebe, Aigner (92e Kittel), Inui (90e Ignjovski), Stendera (63e Lanig); Seferovic, Meier. Entraîneur: Thomas Schaaf.

Dortmund: Weidenfeller; Piszczek (38e Ramos), Subotic, Ginter, Durm; Bender, Kehl (74e Gündogan); Mkhitaryan, Kagawa (74e Jojic), Großkreutz; Aubameyang. Entraîneur: Jürgen Klopp.

Classement (14 matchs): 1. Bayern 33 2. Wolfsburg 26 3. Leverkusen 23 4. Augsburg 21 5. Mönchengladbach 20 6. Schalke 20 7. Hoffenheim 20 8. Hannover 19 9. Francfort 18 10. Mainz 16 11. Paderborn 16 12. Köln 15 13. Hertha 14 14. Brême 13 15. Freiburg 12 16. Stuttgart 12 17. Hambourg 12 18. BVB 11.

 

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