Lucien Favre a donné une longue interview au journal Bild. Nous l’avons traduite ici, en attendant de trouver le temps de faire notre interview personnel avec notre entraîneur. Il nous parle de sa passion du jeu, du ballon et du terrain, de ses modèles, de ses joueurs, de ses méthodes et nous explique pourquoi parler de titre aujourd’hui ne l’intéresse absolument pas.
M. Favre, combien de fois devez-vous pincer parce que Dortmund a passé l’hiver en tête ?
C’était un travail compliqué et difficile. En Pokal à Fürth, contre Leipzig, contre Augsburg, tous les matchs à l’exception de Nürnberg étaient très, très durs et souvent serrés. Mais nous avons encore à faire. Nous le savons tous.
Comment gérez-vous les défaites ?
Je dois rester calme. Analyser les causes et les erreurs. Mais les défaites font aussi partie d’une jeune équipe. Elles ne sont pas belles, elles font mal mais elles peuvent aussi aider à notre progression.
Vous pouvez entrer dans les livres d’histoire et devenir le premier Suisse à remporter le Meisterschale comme entraîneur ?
Cela ne m’intéresse pas. Je continue avec ma philosophie, je pense uniquement match après match. Si seulement deux joueurs sont une fois pas au top de leur forme ou blessés, cela peut rapidement tourner dans la mauvaise direction. C’est comme un gâteau.
Vous devez vous expliquer ?
Vous avez fini de pétrir la pâte et soudain il manque le sucre ou la cannelle. Le mélange fait toujours la différence. Il ne manque qu’un détail et le gâteau est raté.
Pour rester dans la comparaison : la crème du premier tour, c’est sans doute Paco Alcacer avec ses 13 buts ?
C’est incroyable, je ne l’avais encore jamais vécu. Quand il entre, il marque presque toujours. Cette statistique sera difficile à battre. Et il y avait aussi des buts importants comme à Leverkusen ou contre Augsburg. Un quota exceptionnel.
Jadon Sancho est-il le joueur le plus talentueux que vous ayez entraîné ?
Il est déjà incroyablement bon. Mais j’ai aussi eu un Reus ou un Raffael (n.d.l.r. son joueur fétiche, qui l’avait suivi à Zurich, Berlin et Mönchengladbach). Le fait que Raffael n’ait jamais joué en équipe du Brésil est presque un scandale pour moi. Mais c’est vrai que Jadon Sancho joue déjà un rôle crucial dans ses très jeunes années. Il réussit des dribbles incroyables.
Vous connaissez Marco Reus depuis presque dix ans, comment a-t-il changé ?
C’est vrai, je connais très bien Marco depuis Gladbach et je dois dire qu’il a toujours été sensationnel. Il réussit à marquer chaque match de son empreinte dans l’offensive, surtout dans sa position favorite. Il est intelligent dans le jeu, il sent le football. Un footballeur exceptionnel. Fantastique !
Et comment est-il comme capitaine ?
Il exerce très bien cette fonction. Marco est discret mais il aide chacun sur et hors du terrain.
Comment avez-vous remis Mario Götze sur les rails ?
Il a certainement traversé une phase difficile. Mais il n’a jamais laissé tomber et il a montré à chaque entraînement qu’il en voulait. Mario joue maintenant en pointe et il le fait bien. Il court beaucoup, défend et presse bien.
Quand je vous observe, il y a beaucoup de confiance dans le travail avec Michael Zorc ?
C’est vrai. Nous avons une très bonne relation aussi bien professionnelle que personnelle. Cela se passe très bien. Nous avons une équipe fantastique. Je m’entends très bien avec tout le monde. Il en ira certainement de la même manière même si cela devait se passer moins bien sportivement.
Le BVB est-il votre plus grand défi jusque-là ?
Bien sûr. Le BVB et le Bayern sont le summum de toutes choses en Allemagne. On peut le dire. J’ai aussi passé des moments magnifiques à Berlin et à Gladbach dans de grands clubs mais Dortmund c’est une autre dimension.
Y a’t-il plus de pression sur le chaudron à Dortmund ?
Non, c’est pareil partout pour moi. Et la travail sur le terrain aussi.
Le BVB joue contre Tottenham en huitième de finale de Ligue des Champions et le Bayern contre Liverpool. Qui a le tirage le plus dur ?
Les deux. Tottenham est le numéro trois en Angleterre, cela veut tout dire. Ils ont une équipe très agressive et très athlétique. Pour les fans, ce sont deux confrontations très intéressantes. Mais en tant qu’entraîneur, je sais aussi que ce seront deux matchs très difficiles.
Vous être considéré comme obsédé par les détails. Que cherchez-vous en priorité ?
Aucun détail n’est sans importance. Bien sûr, je ne vois pas tout. Mais ce que je vois, je le corrige. J’aime être sur le terrain, je pourrai y passer trois ou quatre heures par jour.
Vous décririez-vous vous-même comme fou de football ?
De quelle manière ?
Parce que vous préparez si méticuleusement les matchs…
Cela fait partie du travail. Aussi le débriefing. L’analyse d’un match peut prendre cinq heures. Pour un joueur, cela ne peut peut-être prendre que 15 minutes à voir mais cela l’aide. Je pense que c’est ce que fait chaque entraîneur aujourd’hui. J’aime aussi regarder des matchs en Italie, en Angleterre et en Espagne.
Avez-vous trouvé un job de rêve avec ce métier d’entraîneur ?
Avant de terminer ma carrière de joueur, je me suis demandé ce que je voulais faire plus tard. Comme footballeur, ce n’est pas facile. Tu as 33 ou 35 ans et une nouvelle vie commence. Si vous étiez joueur professionnel, ce n’est pas facile de trouver quelque chose de nouveau. Trois ans avant la fin de ma carrière, j’ai déjà commencé les cours et appris des langues. J’ai vite compris que je voulais devenir entraîneur.
Pourquoi ?
Parce que je voulais voir si je pouvais exercer ce travail. J’ai toujours été intéressé par la tactique et interrogé mes anciens mentors. Quand j’ai commencé avec les juniors à me trouver derrière la ligne, c’était rapidement clair pour moi : je veux rester dans cette profession.
Avez-vous un modèle qui vous a plus influencé ?
J’ai beaucoup voyagé pour me former. Chaque année, j’ai passé 15 jours à l’étranger. Je suis allé en 1993 à Barcelone chez Johann Cruyff. J’étais en Allemagne chez Ottmar Hitzfeld. J’ai été trois ou quatre fois chez Arsène Wenger à Arsenal. Je suis allé deux fois en Argentine. Mais je trouvais Cruyff déjà classe comme joueur. J’ai aimé comment il voulait jouer. Il a révolutionné le football espagnol. Mais ce n’est pas le seul entraîneur dont je me suis inspiré.
Il y a une photo après la victoire contre Gladbach dans les vestiaires, vous vous bouchiez les oreilles. Parce que la musique était mauvaise ?
La musique était trop forte pour moi, je n’étais pas loin d’un acouphène…
Quelle musique écoutez-vous ?
Tout. Du classique parfois aussi. Mon dernier concert était Coldplay. J’ai été heureux pendant trois heures.
Qu’est-ce que le luxe pour vous dans la vie ?
Bien sûr, la santé. Je suis heureux et reconnaissant si je peux sortir du lit le matin en bonne santé. C’est aussi un luxe de profiter du soleil et de la mer. Je me réjouis aussi de chaque jour où je suis en bonne santé et sur un terrain.
Vous avez 61 ans, combien de temps allez-vous continuer un job aussi stressant ?
Il y a une limite mais je ne l’ai pas encore fixée. Le travail est épuisant et chronophage. Mais nous avons aussi un job de rêve. Néanmoins, il ne faut jamais oublier la famille et les amis. Au passage, j’ai le plus grand respect pour chaque profession. Si nous allons le soir, notre sécurité est toujours là et travaille.
C’est-à-dire ?
Il arrivera un jour où je travaillerai peut-être dans une académie pour aider les jeunes. Je n’arrêterai pas tout de suite. J’aime toujours le ballon. Quand je le vois je dois m’arrêter et je me réjouis toujours autant qu’auparavant.
Source: Bild du 12 janvier 2019.
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