La Westphalie est définitivement une terre de contraste et il suffit de prendre un peu de hauteur pour s’en rendre compte. Le temps d’un petit saut de puce en montgolfière et tu passes du charme bucolique d’un lever de soleil sur l’Halterner Stausee au méga-complexe chimique du Chemiepark de Marl, des chants et forêts du Münsterland aux usines électriques et raffineries de Gelsenkirchen, des méandres et nuées d’oiseaux de la Lippe à la rectitude du Wesel-Datteln-Kanal et ses péniches chargées de marchandises pour finir en pleine campagne au milieu des vaches et des chevaux, avec vue sur les terrils miniers de Bottrop et Gladbeck.

C’était un cadeau que des amis avaient eu la bonté de m’offrir et que j’avais eu décence (à la surprise générale) de ne pas égarer dans le tumulte d’un anniversaire arrosé : un bon pour un vol en montgolfière au-dessus du Ruhrpott. Il ne restait plus qu’à trouver une date qui convienne et finalement le calendrier s’est arrêté sur ce premier week-end du mois de juillet. Le plan initial, c’était de survoler la ville de Dortmund et de finir en apothéose au-dessus du Westfalenstadion. Le rendez-vous était donc initialement fixé en banlieue nord de la ville, du côté de Mengede. Mais, sans être expert en aéronautique, il semblerait qu’il faille que les conditions aérologiques s’y prêtent et cela ne semblait pas être le cas le jour choisi. La veille, nous sommes donc avisés que le point de rencontre est fixé à Marl, au nord-ouest de Dortmund. A 6h du matin, pour admirer le lever de soleil.

Le repoussoir Gelsenkirchen

Nous partons donc en pleine nuit pour arriver à l’heure au rendez-vous. La météo était annoncée radieuse mais, aux première lueurs du jour, nous constatons qu’un voile nuageux recouvre le Pott. Comme la route qui mène à Marl passe du côté d’Herne et de Wanne-Eickel, j’explique à mon amie qu’il ne faut pas s’inquiéter : il s’agit du smog qui recouvre la ville maudite voisine de Gelsenkirchen. Elle me regarde d’un air consterné : « C’est la pause, on ne parle plus de football, tu ne veux pas arrêter un moment avec tes préjugés de supporters ? ». Soit. Nous gagnons donc la ville de Marl pour le lieu de départ de notre montgolfière, une banlieue tranquille avec un parc où gambadent joyeusement des jeunes lapereaux. Il est 6h du matin quand l’aérostier arrive et nous annonce que le point de départ doit être déplacé d’une dizaine de kilomètres vers l’est. La raison ? S’éloigner du halo nuageux qui recouvre Gelsenkirchen (authentique !!!). Je fais presque semblant d’avoir le triomphe modeste…

Haltern am See

C’est finalement d’Haltern am See que nous partons, depuis un pré situé en bordure d’un terrain de football. Le ballon est rapidement gonflé alors que pointent les premiers rayons de soleil au-dessus des arbres. Après quelques consignes de rigueur, nous embarquons : nous sommes huit dans la nacelle, plus l’aérostier. Le ballon (bleu, je n’ai pas choisi la couleur, malheureusement…) s’élève au-dessus des arbres.

Comme son nom l’indique, Haltern am See est situé en bordure d’un lac, l’Halterner Stausee, nous sommes à une vingtaine de kilomètres au nord du Ruhrpott, que nous ne survolerons finalement pas : les courants nous conduirons finalement sur une trajectoire parallèle à la vallée de la Ruhr. Mais nous sommes récompensés de notre réveil très matinal par un somptueux lever de soleil sur les formes biscornues du Stausee dont nous espérons qu’il annonce, ce jour de début officiel de la saison, une belle saison pour nos Borussen.

La rivière et le canal

Nous longeons la Lippe, la rivière qui serpente entre les arbres accueillant des nuées d’oiseaux sur ses rives, et le Wesel-Datteln-Kanal, le canal, qui trace sa route rectiligne, coincé entre ses digues, parcouru par des péniches chargées de marchandises en direction des usines du Pott ou du Rhin.

Au sud, nous apercevons, derrière les arbres et les éoliennes, les premiers entrepôts du nord de Dortmund. Au nord, les champs dorés et les forêts du Münsterland s’étendent à perte de vue. Même si nous ne sommes pas directement au-dessus du Pott, le paysage est assez emblématique de la région : une terre de contraste.

 

Contrairement aux idées reçues, c’est une région très verdoyante avec beaucoup de forêts, de lacs, de marais et de champs. Mais ces endroits naturels qui paraissent sortis d’une arrière-campagne perdue côtoient à intervalles très rapprochés des constructions beaucoup moins bucoliques qui rappellent que nous sommes dans l’une des régions les plus industrialisées et le plus densément peuplées d’Europe : autoroutes, usines, cheminées, entrepôts, stations d’épuration, décharges, mines… Le contraste est étonnant et caractérise vraiment la région. Tu aperçois une petite chaumière à colombage isolée au coin d’un bois avec sa jolie prairie devant elle, un endroit où il ferait bon vivre si, quelques centaines de mètres plus loin, il n’y avait pas une horrible verrue industrielle.

Chemiepark

Et, puisqu’il est question d’horreur industrielle, nous survolons le Chemiepark de Marl. Il s’agit d’un gigantesque complexe chimique, l’un des plus grands d’Europe, 10’000 employés, 900 bâtiments, 55km de rue intérieures et même son propre réseau de chemin de fer. Il s’agit de l’un des sites de production des firmes I.G. Farben et Hüls-Degussa, de sinistre mémoire pour leurs activités sous le IIIe Reich. Aujourd’hui, ces firmes ont été intégrées dans le conglomérat géant Evonik Industries, notre sponsor principal, dont le Chemiepark de Marl est donc l’un des sites d’activité. Nous sommes à plus de cinq cent mètres de hauteur mais nous pouvons humer les effluves chimiques en contrebas dans l’air pur du matin et nous sommes finalement assez contents de n’avoir pas dû tenter un atterrissage d’urgence entre les cheminées du Chemiepark pour finir dans l’une des grandes cuves d’acide que nous apercevons.

L’atterrissage

Après ce moment de poésie, nous nous retrouvons au-dessus de paysage plus ruraux, à peine troublés par une mine ici ou là. Toutefois, à notre droite, se dresse les gigantesques tours de refroidissement de l’usine électrique de Gelsenkirchen ainsi que les entrelacs de tuyaux de la raffinerie de la Ruhr Öl. Je crois discerner, sur notre droite, l’horrible masse blanche de la Veltins Arena qui se découpe dans le ciel entre les usines ; mais je préfère garder cette réflexion pour moi, histoire de ne pas porter la poisse, il nous reste encore un atterrissage à effectuer.

Auparavant, nous survolons quelques fermes, les vaches sont à peine effarouchées par le passage de notre ballon.

Nous éprouvons quelques difficultés à trouver un champ déjà fauché pour nous poser : à deux reprises il nous faut remonter en urgence pour franchir et effleurer une haie d’arbres mal placée avant de finalement trouver un champ de blé fraîchement coupé pour atterrir (presque) en douceur.

Quelques enfants accourent pour nous accueillir, tout étonnés et excités par notre présence matinale en plein campagne, à proximité du peu trépidant bourg de Dorsten. Une fois le matériel rangé, nous avons droit au champagne, il est 9h du matin mais la journée a déjà été bien remplie. La Westphalie vue d’en haut, c’était une expérience intéressante, à refaire et cette fois on essaiera d’aller du côté du Westfalenstadion.


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