L’heure du coup d’envoi était la même – 18h30 un samedi. L’adversaire commençait par les deux mêmes lettres – LE – et est considéré comme un Werksclub, un club d’entreprise sans âme. Leipzig, Leverkusen, même combat. Ou plutôt non-combat. Car à chaque fois notre BVB s’est incliné quasiment sans combattre.

Pour la deuxième fois cette saison après Leipzig, le Borussia Dortmund avait les honneurs du Topspiel, l’affiche phare de la journée en Bundesliga, le samedi à 18h30. A chaque fois contre un Werksclub, l’un de ces clubs supposés sans âme contre lequel notre BVB devrait faire la différence par l’engagement, la motivation, la passion. C’est tout le contraire qui s’est produit. Car à chaque fois le Borussia s’est incliné de la même manière ou presque. Si le scénario du match était différent, avec une ouverture du score beaucoup plus précoce à la BayArena qu’au Zentralstadion, son contenu lui était quasiment identique. Soit un BVB qui joue à la baballe sans passion en attendant qu’un but tombe tout seul contre un adversaire sans génie mais bien organisé et agressif. Après le match, Thomas Tuchel, soutenu par son directeur général Hans-Joachim Watzke, a critiqué le nombre élevé de fautes commises par nos adversaires. C’est ridicule. Le football est un sport d’homme, un jeu de combat, surtout en Bundesliga. Depuis le début du mercato, nous sommes quelques-uns à mettre en doute un recrutement trop bling-bling, déséquilibré, où les joueurs jeunes, techniques, rapides éclipsent complètement les battants. On en paie aujourd’hui le prix.

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© Julien Mouquin / Génération WS

Plutôt que critiquer les fautes de nos adversaires, notre coach devrait remettre en cause sa stratégie. Et commencer par se demander si la meilleure manière de punir les fautes adverses ne serait pas d’entraîner un peu les coups francs, domaine dans lequel nous sommes bien inoffensifs depuis 15 mois. Sérieusement, Tuchel pensait-il que tous nos adversaires allaient nous dérouler le tapis rouge et nous offrir les mêmes boulevards que Legia, Wolfsburg ou Darmstadt ? Notre potentiel offensif fait peur, alors nos adversaires mettent en œuvre les moyens pour nous arrêter, quitte parfois à jouer de manière un peu virile. Et encore, Leipzig et Leverkusen sont des équipes plutôt joueuses, ce n’est rien par rapport à ce qui nous attend dans la suite de la saison, lorsque les terrains vont commencer à s’alourdir et la situation se tendre au classement. En jouant de la sorte, des matchs comme ceux-là, on en perdra encore dix cette saison, il suffit de jeter un œil au calendrier de nos prochains déplacements : Ingolstadt, Hambourg, Francfort, Köln, où le défi physique sera bien plus important et, du côté du Volkspark-, du Wald- ou du Müngersdorfer- Stadion, l’ambiance autrement plus survoltée qu’à la BayArena.

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© Julien Mouquin / Génération WS

Un nouveau Arsenal ?

Or, aujourd’hui, nos joueurs ne sont pas en mesure de relever ce défi. Nous avons publié il y a quelques jours un rétro sur notre victoire à Leverkusen en janvier 2011. Le héros s’était appelé Kevin Grosskreutz, avec deux buts de raccroc sur une longue touche et un dégagement du gardien et un assist sur un tacle rageur. Qui, dans notre équipe actuelle, est capable de ces gestes-là ? Nos joueurs tweetent sur leur nouvelle coque de portable, leur échange de maillot avec Ronaldo ou leurs performances à Fifa 2017, plutôt que de vanner Schalke avant le prochain Derby. Ok, c’est super, cela ravit nos nouveaux suiveurs. Mais lorsqu’il s’agit d’aller là où cela fait mal, il n’y a plus personne. J’ai l’impression que l’on devient un nouveau Arsenal. Un club qui maximise les profits en réussissant quelques démonstrations contre des mal classés pour un public de touristes ravis et fortunés, qui revend ses meilleurs talents mais qui répond aux abonnés absents dès que les choses se durcissent et finit par se contenter des places d’honneur. C’est bien de gagner chaque saison le prix du fair-play, on ne demande pas à nos Jungs de devenir une réincarnation du crazy gang de Wimbledon mais, entre les bad boys de Vinnie Jones et les fillettes d’Arsène Wenger, on devrait pouvoir trouver un juste milieu, non ? Car là, dès que l’adversaire est un peu vindicatif et bien organisé, notre jeu léché et spectaculaire devient complètement inopérant.

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© Julien Mouquin / Génération WS

Le temps du bonheur

Et pourtant, la journée avait bien commencé. J’inaugurais un nouvel appartement à Dortmund, après avoir fait le calcul que cela me reviendrait moins cher que l’hôtel tous les week-ends. Mais pas le temps d’emménager : j’étais tellement confiant que j’insiste pour arriver à Leverkusen pour la Konferenz de 15h30 sur Sky, dans l’espoir d’assister à un faux-pas du Bayern avant notre victoire dans cette BayArena qui, normalement, nous convient très bien. Le parc encore verdoyant qui conduit de l’arrêt glauque de Leverkusen-Mitte au stade nous fait même presque oublier que nous sommes dans l’une des villes les plus laides d’Allemagne – enfin, pas aussi moche que Gelsenkirchen ou Wuppertal sur l’échelle de notre capitaine Marcel Schmelzer. En arrivant dans notre Biergarten préféré de Vizekusen, la Currywurst est excellente. Seul ombre au tableau : on nous sert de la Veltins et le Bayern ouvre le score. Mais il suffit de changer de côté de la terrasse pour trouver de la Dom Kölsch et assister à l’égalisation du 1. FC Köln. Les chants fusent en l’honneur du Effzeh, essentiellement de la part des nombreux fans schwargelbe mais quelques supporters de la Werkself se joignent à nous, malgré leur antipathie pour le grand voisin colonais qui les a toujours méprisé. L’ambiance est bon enfant, je sympathise avec un compatriote fan du Bayer qui se désolait d’avoir un billet dans le parcage dortmundois. Je lui explique qu’il n’aurait aucune raison de jubiler mais je m’arrange quand même pour organiser un échange de billet avec un pote fan du BVB qui avait lui un ticket en tribune latérale, tout content de se retrouver dans le kop borusse. J’adore dispenser la joie et la bonne humeur autour de moi, les tournées s’enchaînent, le Bayern est en échec et nous partons confiants pour un stade où nous étions invaincus depuis 9 ans.

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© Julien Mouquin / Génération WS

La déconfiture

Puis vint le match. Ou le non-match c’est selon. Nos Jungs n’y sont pas. Bürki sauve une première fois mais Admir Mehmedi marque de la tête sur le corner suivant. Mehmedi, mon compatriote qui ne marque pourtant jamais de la tête, c’est dire le désarroi de nos Borussen. Dont on attend toujours la réaction. Ou si peu : deux essais d’Aubameyang sur Leno et c’est tout. Elle était où l’équipe flamboyante qui avait inscrit 20 buts en 4 matchs, déclassé le champion d’Europe l’espace d’une mi-temps ? Mystère. C’est donc tout à fait logiquement que la Werkself a doublé la mise par Chicharito sur un contre rondement mené, comme à l’entraînement.

Autant nous étions arrivés confiants et heureux dans ce bloc sous le soleil, autant nous sommes repartis la tête très basse, dans une longue et sinistre procession silencieuse jaune et noire, dans l’obscurité, le long du canal aux eaux saumâtres qui jouxte le stade. Le jour et la nuit. A l’image de notre équipe, brillante et irrésistible par beau temps, inexistante et sans fierté dès que les choses se gâtent. Il va falloir rapidement trouver des solutions pour briser cette malédiction des matchs de 18h30 car c’est à cet horaire-là que se joueront nos prochains chocs contre Schalke et le Bayern. A domicile cette fois.

Et je ne peux pas imaginer jouer un match au Westfalenstadion avec cet état d’esprit-là, à commencer par le prochain contre le surprenant Hertha Berlin. Car, sinon, la réaction et le courroux du peuple jaune et noir vont être terribles. Parmi les fans historiques, il y a clairement un malaise depuis le début de la saison, on l’a constaté avec certaines banderoles affichées récemment en Südtribüne. Et le conflit ouvert entre Thomas Tuchel et Sven Mislintat, notre recruteur à succès depuis 2009, évoqué par certains médias, ne fait qu’accentuer cette désagréable impression que les victoires fleuves de ces dernière semaines n’étaient que de la poudre aux yeux qui cachait des problèmes plus profonds au sein du club. A notre entraîneur de prouver qu’il ne s’est pas complètement fourvoyé dans certains choix. Car autant il n’y a rien d’infamant à perdre contre un effectif de la qualité de celui de Leverkusen, autant la manière nous a déçus et agacés. Et, après Leipzig, c’est déjà la deuxième fois, on espère vivement qu’il n’y en aura pas de troisième.

Julien Mouquin

Catégories : Au Stade

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