Derrière le Bayern Munich, le 1. FC Nürnberg est le club le plus titré d’Allemagne avec neuf Meisterschale. Mais le dernier date de 1968 et le prochain n’est a priori pour demain puisque le Glubb se dirige tout droit vers un retour en Zweite Liga. Dans un environnement aux allures de mausolée des folies du IIIème Reich, escapade entre déprime et passion malgré tout.

Chacun le sait : un match de Bundesliga ne saurait commencer autrement que par la tournée des Biergarten. Nuremberg n’échappe pas à la règle.

Le stade est situé au milieu d’un parc, avec des lacs, de la verdure, des canards et autres palmipèdes, un endroit a priori très charmant, avec des Biergarten et des bars qui surgissent ici ou là opportunément au milieu des arbres. C’est là que se tient chaque été le festival Rock im Park, le petit frère du Rock am Ring.

Reichsparteitagsgelände

Sauf que le parc est en question, c’est l’endroit où se trouvait le Reichsparteitagsgelände, le lieu des célébrations et des grandes parades du parti nazi. Et, étonnamment, bon nombre de vestiges de ce passé honni ont été gardés intacts. Dès la sortie du S-Bahn, passé le premier Biergarten, on aperçoit, de l’autre côté du lac, la Kongresshalle, la gigantesque halle en forme de U qui devait abriter les congrès du NSDAP et qui devait pouvoir accueillir jusqu’à 50’000 personnes.

Les travaux ont été interrompus par la guerre et le bâtiment a subi bien sûr son lot de bombardement. Il a depuis été réhabilité en centre de documentation mais une partie du bâtiment historique a été conservé. Le site frappe par son gigantisme. Pas par son esthétisme : un côté en brique rouge, l’autre en arrondi mode Colisée.

Le béton est défraîchi et dénué de tout ornement.

Sous le ciel bas et le vent de ce début de mars, les lieux ont un aspect carrément sinistre, un air de prison, les vestiges d’une utopie maudite. La tournée se poursuit avec la Große Straße, laquelle porte bien son nom, la grande rue : elle est tellement grande et tellement large qu’elle sert aujourd’hui de parking pour les visiteurs du match et de la Messe voisine. A la base, sur un sol en granit, elle devait accueillir les parades nazies.

Deutsches Stadion

Mais nous ne sommes pas encore au sommet du gigantisme. Le long de la Große Straße se trouve un petit lac, le Silbersee, le lac d’argent. L’eau a en fait pris place dans ce qui devait être le plus grand stade jamais construit par l’homme : le Deutsches Stadion.

Adolf Hitler voulait construire là un stade de 400’000 places (!), lequel aurait dû accueillir toutes les éditions des Jeux Olympiques. Son architecte, Albert Speer, après avoir été visiter le plus grand stade jamais construit, le Circus Maximus à Rome, était arrivé à la conclusion que, pour accueillir autant de monde, il fallait creuser et prévoir le terrain sous la surface pour pouvoir placer des gradins dans l’excavation. Une version miniature du stade avait même été réalisée en Bavière pour expérimenter la technique. Et l’excavation a bien été creusée, la première pierre a été posée mais les besoins de financement de l’effort de guerre ont mis fin aux travaux. Et aujourd’hui, c’est donc un lac qui remplit ce qui devait être le stade le plus gigantesque jamais construit. Et qui devait être complété, à l’autre extrémité du complexe, par le Märzfeld, le Champ de Mars, et des gradins pour 250’000 spectateurs. La folie des grandeurs.

Zeppelinfeld

Ce qui est en revanche resté plus ou moins intact, c’est le Zeppelinfeld. C’est là qu’avaient lieu les parades nazies ou les discours du Füher immortalisés par les films de Leni Riefenstahl.

Là encore, le béton est défraîchi, les énormes blocs qui encadraient les escaliers permettant d’accéder à l’enceinte paraissent à l’abandon.

L’intérieur de l’enceinte accueille désormais un circuit automobile et la tribune d’honneur, là où paradaient les dignitaires nazis, est à peu près intacte.

Un écriteau prévient juste les visiteurs contre le risque des pierres qui se descellent.

Les svastikas ont bien sûr été retirées mais sinon tout est à peu près comme dans les films historiques, y compris l’estrade sur laquelle se tenait le Führer.

C’est forcément une expérience un peu étrange de se tenir à l’endroit même où l’une des pages les plus sombres de l’histoire de l’humanité s’est écrite.

Les heures de gloire

Après cette Biergartenrunde, disons originale, j’arrive enfin au stade, le « petit » stade du complexe, avec ses 50’000 places, qui accueillait jadis les défilés des jeunesses hitlériennes.

Le 1. FC Nürnberg, c’est tout simplement le club le plus titré d’Allemagne, derrière le Bayern, au niveau national : neuf Meisterschale et quatre Pokal (contre 8 et 4 au BVB). Contrairement à ce que pourraient laisser penser les abords du stade, ces titres n’ont pas été conquis sous l’empire du IIIème Reich (dominé par Schalke) mais surtout avant, avec cinq titre dans les années 1920. Le dernier Meisterschale du Club remonte à 1968, la dernière Pokal à 2007, lorsque les Franconiens avaient créés la surprise en dominant le tout frais champion d’Allemagne Stuttgart en prolongations. Mais ces heures de gloire paraissent bien lointaines et Nürnberg est fortement menacé d’une nouvelle relégation, une saison à peine après avoir retrouvé la Bundesliga.

Max Morlock

Les fans de Nürnberg sont jumelés avec ceux de Schalke 04 et les écharpes célébrant cette amitié sont omniprésentes dans les travées du Max-Morlock-Stadion, du nom de l’idole locale, héros de l’Allemagne championne du monde en 1954 et double champion avec le Glubb en 1948 et 1961, auteur de plus de 600 buts pour son club de toujours. Et, malgré cette amitié avec les Blauen, j’ai forcément un peu de sympathie cet après-midi là pour Nürnberg puisque l’adversaire du jour n’est autre que le honni RB Leipzig.

Le stade est loin d’avoir fait le plein, le jouet de Red Bull attire toujours aussi peu les foules mais l’ambiance est bien meilleure que contre Dortmund : cette fois-ci, pas de boycott du match du lundi mais juste des protestations contre le Plastikclub. La scène ultras est vraiment bien vivante à Nürnberg et cela fait plaisir de voir cette passion, malgré la longue disette du Club et sa situation très délicate au classement. La magie des Traditionsvereine.

Le tournant du match

Le match n’a pas été fameux, loin s’en faut. Le nouveau duo d’entraîneur du Glubb, Boris Schommers et Marek Mintal, a choisi la même stratégie que contre le BVB : défendre de manière compacte et éventuellement marquer sur un malentendu. En face, il apparaît d’emblée que le RB a beaucoup plus de football et de jeu dans ses pieds mais les Bullen la jouent minimalistes. Et le malentendu attendu a bien failli arriver après dix minutes de jeu : alors qu’il ne s’était pas créé le moindre semblant d’occasion, Nürnberg obtient un coup-franc à l’orée des seize mètres. De ma place en tribune, j’avais l’impression que la faute avait été commise à l’intérieur de la surface et la VAR me donne raison : le coup-franc se transforme en pénalty ! L’occasion inespérée pour Nürnberg de marquer et d’entrevoir un premier succès après 17 matchs sans victoire en Bundesliga. Encore aurait-il fallut le marquer, ce pénalty… Las, Hanno Behrens, le capitaine, l’un des rares joueurs de l’effectif à avoir le niveau de Bundesliga, expédie un obus sur la latte. Nürnberg venait de laisser passer sa chance.

Un relégable en puissance

Car Leipzig a un tout petit peu accéléré. Pas beaucoup, une frappe de Kampl détournée par le gardien Mathenia. Et des balles arrêtées : Mathenia détourne un coup franc de Marcel Halstenberg sur son poteau. Mais il ne pourra rien quelque minute plus tard sur un corner d’Halstenberg, l’ancien joueur de la réserve du BVB, qui revient sur Lukas Klostermann, lequel marque en force. Sans n’avoir rien montré, Leipzig arrive à la pause avec un but d’avance. Et va le conserver. Car les Franconiens n’avaient pas les armes pour revenir. Bref, nonobstant quelques Kulmbacher, la bière locale, on s’ennuie ferme en deuxième mi-temps, entre un Nürnberg trop limité et un Leipzig minimaliste et arrogant qui s’est contenté de gérer son avantage.

Le fait le plus saillant de la secondes période, c’est le deuxième carton jaune reçu par Konaté qui ne lui a pas valu l’expulsion. Car le premier, reçu sur l’action du pénalty, lui avait été retiré en même temps que la VAR corrigeait le coup-franc en pénalty. Un sketch. C’était vraiment un très mauvais week-end pour les fans du 1. FCN : leurs potes de Schalke se sont fait démonter à domicile par Düsseldorf et leurs adversaires directs dans la lutte contre la relégation, Augsburg (hélas) et Stuttgart, se sont imposés. On ne voit pas trop comment Hanovre et Nuremberg vont pouvoir échapper à la relégation directe en fin de saison. Du coup, du côté de la Franconie, on risque encore de devoir vivre quelques années à ressasser les fantômes du passé en attendant le retour des heures glorieuses.

Catégories : Au Stade

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