Le club le plus titré du football allemand fait figure de grandissime favori à sa propre succession pour aller chercher un cinquième titre national consécutif. Avec un entraîneur qui fait bien plus l’unanimité que son prédécesseur, un effectif renforcé et une défense monstrueuse, le Rekordmeister n’a jamais paru aussi fort, à tel point qu’il faut beaucoup d’imagination et d’optimisme pour espérer un scénario autre qu’un énième Meisterschale sans joie ni émotion du côté de Munich.

Le club (Ewige Tabelle : 1)

Le Bayern Munich ne fait pas partie des grands clubs historiques d’Allemagne. Il ne peut y avoir qu’une seule Traditionsverein par ville et cette place est déjà prise à Munich par le plus vieux club du pays, 1860, dont les fans sont d’ailleurs bien plus conformes à l’idée que l’on se fait d’une Traditionsverein que ceux du Bayern. Avant la création de la Bundesliga en 1963, le colosse bavarois n’avait remporté qu’un seul titre (contre 8 à Nuremberg, 7 à Schalke, 3 à Dortmund, Hambourg et… Fürth). Le Bayern ne fait d’ailleurs pas partie des 16 clubs qui ont fondé et participé à la première Bundesliga en 1963. Mais le club bavarois s’est bien rattrapé par la suite en raflant 25 des 53 Meisterschale mis en jeu à ce jour… Cette domination s’est amorcée dans les années 1970 avec l’avènement d’une génération dorée dont les principaux acteurs (Hoeness, Rummenigge, Beckenbauer) ont ensuite pris les rênes du club, toujours avec la même culture de la victoire. Il n’y a pas de places pour l’éthique, l’émotion, les sentiments ou le romantisme : tout est orienté sur le profit et le succès, par tous les moyens, parfois à la limite des règlements, il suffit de voir les ennuis judiciaires des têtes pensantes munichoises ou la pression constante mise sur les arbitres pour obtenir quelques faveurs indues (dernier exemple : après la triple agression – impunie – dont Franck Ribéry s’est rendu coupable cet été, en Pokal, en amical et en Supercup, le Bayern a obtenu la nomination d’un observateur pour surveiller les provocations dont le Français pourrait être… victime).

Néanmoins, le club munichois reste probablement le mieux géré du monde. C’est le premier à avoir compris l’importance de ne pas dépendre d’un seul poste du budget et d’équilibrer les sources de financement : billetterie, merchandising, sponsoring et droits TV. Ainsi, le nouveau stade a été conçu comme un gigantesque tiroir-caisse, le club sert de vitrine de la « Deutsche Qualität » aux grandes entreprises du pays et n’hésite pas à piller, à coup de millions, tout rival qui menacerait sa suprématie nationale (Leverkusen, Brême, Schalke, Stuttgart, Dortmund), sans toutefois tomber dans les extravagances en matière de sommes de transferts des nouveaux riches du foot européen. Bref, c’est une grosse machine sans état d’âme, toute entière tournée vers une quête éternelle du succès et du profit très difficile à ébranler.

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© Julien Mouquin / Génération WS

Perspectives

Le grand changement de l’été à la Säbener Strasse, c’est bien sûr le remplacement de Josep Guardiola par Carlo Ancelotti. Le moins que l’on puisse dire, c’est que jamais dans l’histoire du football le départ d’un entraîneur qui a gagné trois titre en trois ans n’aura provoqué une telle joie (« la fin de l’ennui », titrait un grand quotidien allemand dominical…) auprès de ses joueurs qui multiplient les critiquent à l’encontre de leur ex-mentor : égo surdimensionné, système de jeu incompréhensible, essais tactiques désastreux en 1/2 finale de Champion’s League, absence d’autocritique et de communication, propension à rejeter la responsabilité des échecs sur le staff et les médecins, créativité bridée, mauvaise gestion physique de la saison et on en passe… C’est dire si Ancelotti est attendu comme un Messie en Bavière et il a plutôt bien débuté, en remportant, dès son premier match officiel, un trophée qui avait toujours échappé à son prédécesseur en trois tentatives, la Supercup.

L’an passé, le Bayern a construit son titre en n’encaissant que très peu de goals, malgré une défense souvent de fortune en raison des blessures. Mais, cette saison, le Rekordmeister démarre avec ce qui se fait de mieux au monde à chaque poste et avec des joueurs qui évolueront enfin à leur vraie place : Neuer au but, Lahm à droite, Hummels et Boateng au centre et Alaba à gauche, c’est monstrueux ! Avec Bernat, Rafinha, Kimmich, Martinez voire Badstuber s’il revient, plus Vidal, Alonso, comme solutions de rechange et/ou pour servir de premier rideau devant cette muraille. Il sera donc compliqué de marquer des buts au Bayern cette saison.

Il faudra donc en prendre le moins possible pour avoir une chance contre les Munichois, le problème c’est que, devant, ils ont du lourd aussi. Cependant, ces dernières saisons, surtout avec Guardiola, les Bavarois restaient très dépendants de leurs individualités Ribéry et Robben, lesquels ne sont plus tout jeune et sont souvent blessés, sans garantie que leurs remplaçants Coman, Sanches ou Costa soient tout à fait au même niveau. Un motif d’espoir pour la concurrence ? Peut-être mais il reste encore les deux snipers Robert Lewandowsi et Thomas Müller, 50 buts à eux deux en 2015-2016 en Bundesliga. Toutefois, ils ont fini la saison sur les rotules, ont raté leur Euro et ont émis quelques velléités de départ. Mais si Ancelotti parvient à les relancer, ce nouveau Bayern s’annonce comme un véritable rouleau compresseur.

La priorité absolue du Rekordmeister, cela reste cette Ligue des Champions qu’il avait remportée en 2013 mais que Guardiola a lamentablement échoué à conserver puis à reconquérir, malgré un effectif supérieur à celui dont disposait Jupp Heynckes lors de la victoire contre le BVB. Carlo Ancelotti a sans doute été choisi d’abord pour son expérience dans une compétition qu’il a déjà remporté cinq fois, deux fois comme joueur (Milan 1989 et 1990), trois comme entraîneur (Milan 2003 et 2007, Real 2014). En revanche, l’entraîneur italien a connu moins de réussite en championnat. Pour les autres prétendants au Meisterschale (si tant est qu’il y en ait car personne ne l’a déclaré ouvertement), il s’agira donc de rester à la lutte avec le Bayern et d’espérer un fléchissement au printemps avec les échéances décisives de Königsklasse. En revanche, si on laisse le Rekordmeister s’échapper et avoir un peu de marge pour faire tourner sereinement l’effectif, il n’y aura pas de suspense. C’est dire que cette Bundesliga 2016-2017 pourrait déjà se jouer dans les prochaines semaines…

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Transferts

Départs : Götze et Rode (Dortmund), Tasci (Spartak Moscou), Benatia (Juventus).

Arrivées: Hummels (Dortmund), Sanches (Benfica).

Pronostic : 1er

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Le stade : Allianz Arena (75’000 places)

L’Allianz Arena a été construite dans deux buts : une œuvre d’art pour la gloire des architectes stars Herzog & de Meuron (également auteurs du Parc Saint-Jacques à Bâle, du Nid d’Oiseau à Pékin ou du Matmut-Atlantique à Bordeaux) et une machine à profit pour remplir les caisses du Bayern. Résultat : un stade esthétique et fonctionnel mais froid et aseptisé. Les places debout ne représentent que 18% de la capacité du stade (35% au Westfalenstadion) et les places ou loges VIP sont innombrables. Seules 50% des places sont réservées aux abonnés (68% à Dortmund) car Ueli Hoeness estime que les abonnés fidèles représentent un manque à gagner par rapport aux clients occasionnels qui ne viennent qu’une ou deux fois par saison et vont à chaque visite dévaliser le Fanshop. C’est donc un stade bâti bien davantage pour générer du profit que pour exalter la ferveur des fans et il remplit parfaitement son rôle : malgré une capacité inférieure, l’Arroganz Arena rapporte à chaque rencontre deux fois plus de recettes que le Westfalenstadion !

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L’ambiance

En déplacement, les fans du Bayern ne sont pas les plus bruyants d’Allemagne mais ils figurent plutôt dans le haut du tableau. En même temps, c’est plus facile quand tu gagnes presque toujours, on serait curieux d’observer si la ferveur resterait la même comme dans une Traditionsverein après deux ou trois ans de galère (en fait, on connaît déjà la réponse). En revanche, l’Allianz Arena, dans sa configuration mercantile, propose, avec Hoppenheim et Golfsburg, la pire ambiance de Buli. Au début, les fans bavarois avaient lancé une pétition pour protester contre la manque d’ambiance et le trop grande place laissée aux VIP, frustrés d’avoir été élus à plusieurs reprises « plus mauvaise ambiance d’Allemagne » par le Bild. Mais il aura suffi à Ueli Hoeness d’offrir quelques trophées pour obtenir la reddition du versatile public bavarois. Ils ne sont que quelques milliers à chanter dans le microscopique kop, chants généralement largement couverts par ceux des supporters visiteurs. Le reste du stade ne se remue qu’après un but en reprenant le « Null » de l’insupportable speaker annonçant le score de l’adveraire. Et si tous les matchs à l’Arroganz Arena se jouent à guichets fermés, on y trouve de très nombreuses places vides après la mi-temps, de nombreux clients préférant les petits fours au football, alors que le stade commence à se vider dès la 70ème. Même après une victoire en finale, on en a fait que trop souvent l’expérience avec le BVB, les célébrations bavaroises restent bien tristes, sans joie ni émotion (37 fans pour célébrer le dernier titre après le match décisif à Ingolstadt). Cela évoque davantage le comportement d’un banquier allumant son cigare pour célébrer le bon rendement d’un investissement pas trop risqué que la folie d’un Meisterschale à Dortmund.

Contrairement aux élucubrations d’une certaine presse, il n’existe pas de rivalité particulière entre le Bayern et le BVB. Peut-être qu’ils nous allument un peu plus quand ils nous battent qu’après une victoire contre Darmstadt ou Hoffenheim mais ça s’arrête-là. Il peut y avoir une rivalité sportive lorsque nos deux clubs se retrouvent en finale ou en tête du classement, mais pas tellement plus qu’avec Leverkusen ou Wolfsburg. Après, bien sûr, il y a toujours un réel plaisir à battre le riche, arrogant et prestigieux Bayern mais cela est le cas pour tous les clubs d’Allemagne.

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Biergarten

L’Allianz Arena est située à Fröttmaning, dans une banlieue glauque, à près de 30 minutes de U-Bahn de la Marienplatz ; il n’y a rien autour sinon des parkings, une autoroute et un tertre de remblais. Le seul Biergarten, le Paulaner-Fantreff, est microscopique. A l’intérieur du stade, la seule bière servie est de la Paulaner faiblement alcoolisée (2,5‰) et insipide, alors que, dans certains secteurs visiteurs il est carrément interdit de faire entrer toute consommation, de peur que le lancer intempestif d’une eau minérale ne perturbe la somnolence des clients situés en contrebas. C’est un paradoxe mais, c’est dans la capitale mondiale de la bière, qu’a lieu chaque année le pire déplacement houblonné de la saison. Il est donc fortement conseillé de faire une halte, avant ou après le match, dans l’un des nombreux Biergarten géants de la ville pour profiter des charmes de Munich et y boire une vraie bière.

Julien Mouquin.

Catégories : Nos Portraits

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