C’est forcément dans les larmes que Jürgen Klopp a pris congé du peuple jaune et noir après sept années si riches en émotions, en joies, en victoires, en fêtes… Des larmes de joie d’abord après une qualification européenne miraculeuse arrachée après un match contre Brême dans le plus pur style Klopp, c’est-à-dire complètement fou, puis de tristesse après un dernier match complétement foiré et une défaite en finale de Pokal contre Wolfsburg.  

C’est le 23 mai 2015 que Jürgen Klopp dirige pour la dernière fois le Borussia Dortmund au Westfalenstadion. Contre le Werder Brême. Les deux équipe sont à égalité au classement et ont toutes deux besoin d’une victoire pour accrocher la septième place et une qualification pour l’Europa League.

Bien sûr, un duel pour la septième place, cela peut apparaître comme un constat d’échec lorsque tu visais une place sur le podium en début de saison. Mais les fans du BVB se contrefichent éperdument des ambitions grandiloquentes que veulent lui prêter certains ou des théories foireuses sur le standing du club qui ne saurait exister sans Ligue des Champions. Cela, on le laisse aux docteurs derrière leur écran ; pour nous, jouer pour une place européenne c’était miraculeux alors que l’on était encore derniers du classement trois mois plus tôt. Et il y a un match de foot, deux équipes, un ballon, une victoire à décrocher pour aller chercher un objectif, alors on se mobilise tous pour aider nos Jungs à arriver au but, peu importe si l’objectif n’est pas aussi prestigieux qu’espéré.

C’est donc dans une ambiance grandiose et délirante que Jürgen va faire ses adieux avec le Tempel der Glückseligkeit. C’est la magie du BVB : la saison est globalement ratée et pourtant elle se termine dans une incroyable liesse populaire et avec des émotions incroyables. Pendant ce temps-là, le Bayern Munich, avec son pognon et ses stars, a tout balayé sur son passage mais fête son titre dans l’indifférence générale sans une once d’émotion et sans la moindre fête.

Le match débute par un déluge de papelitos à l’argentine, puis par un somptueux Choreo indiquant, devant le Gelbe Wand, « Danke, Jürgen » et en dessous « Wir brauchen viele Jahre, bis zu verstehen, wie kostbar Augenblicke sein können ». « « nous aurons besoin de beaucoup d’années pour comprendre à quel point ces instants peuvent être précieux »).

 

Les Jungs vont faire le job, Shinji Kagawa va offrir un magnifique cadeau de départ à l’entraîneur qui l’a révélé en réussissant un but et deux assists. Le Borussia se fait quelques frayeurs sur la fin lorsque le Werder revient à 3-2 mais le score ne bougera plus et nous pouvons fêter la qualification en Europa League dans un immense délire collectif. Mais surtout célébrer cet entraîneur que nous avons tant aimé.

Durant les sept années passées au BVB, Jürgen Klopp ne se s’est jamais défilé. Ni devant l’adversaire, ni devant les arbitres, ni devant ses joueurs, ni devant les médias, ni devant ses dirigeants ni devant les fans. Et pourtant, là, il va se défiler. « Je crois que Jürgen, comme les fans, avait beaucoup trop peur du moment où ce serait définitivement terminé », témoigne Norbert Dickel. C’est donc par un message préenregistré que Jürgen Klopp s’adressera à ses fans qui l’ont tant adulé pour exprimer sa profonde reconnaissance d’avoir pu diriger cette équipe pendant sept années et expliquer qu’il gardera un paquet de souvenirs extraordinaires. Jürgen renonça également à venir faire une ultime fois son show et la ola devant la Sütribüne comme il l’a fait tant de fois après de grandes (ou moins grandes) victoires.  Là encore, trop d’émotions. Il a laissé cet honneur, également mille fois mérité, à une autre légende du club, Sebastian Kehl, qui prenait lui aussi congé de nous pour prendre sa retraite après treize ans passés sous nos couleurs avec lesquels il aura tout connu et tout vécu. Dans ces instants à la fois nobles, magiques et tristes, je regardais, entre mes larmes, mes voisins dans la tribune et je n’en ai pas vu un seul qui n’avait pas les larmes aux yeux. Ce n’est que du football mais cela reste des moments incroyablement forts.

Mais il restait encore un match à jouer avec le BVB pour Jürgen Klopp : la finale de la Pokal à l’Olympiastadion contre le VfL Wolfsburg. La journée, lors de la traditionnelle fête jaune et noire sur le Breitscheidplatz, au pied de la monumentale Gedächtniskirche, l’Eglise du Souvenir, des milliers de masques à l’effigie de Kloppo sont distribués aux fans.

Avec au dos, le leitmotiv du week-end : « Lieber Autokorso statt Autostadt ».

Car  c’était le rêve de tout un peuple: prendre définitivement congé de Jürgen Klopp par une grande victoire et finir le lendemain par un nouveau défilé en ville avec l’hystérie traditionnelle sur la Borsigplatz. Et tout est bien parti pour cela avec l’ouverture du score précoce de Pierre-Emerick Aubameyang.

Mais ensuite tout est allé de travers. Wolfsburg marque trois fois pour mener 3-1 à la mi-temps et le BVB n’a jamais donné l’impression de pouvoir revenir. Un vrai non-match de nos Jungs. « Contre Wolfsburg, ce n’est pas vrai !, a regretté Ilkay Gündogan. C’était presque une honte. Comme adieux je lui aurai souhaité quelque chose de mieux. Mais il devait être écrit que cela ne serait pas. »

Certes, les Wölfe, emmenés par un Kevin De Bruyne en feu, avaient réussi une saison magnifique, terminant 2èmes du classement derrière le Bayern. Mais cela restait Wolfsburg, un Plastikclub artificiel sans âme, des supporters parmi les plus inexistants de la ligue. Nous aurions dû compenser leur supériorité technique par un supplément d’âme, de rage, par l’euphorie de la qualification européenne arrachée après une remontée miraculeuse, par la volonté d’offrir un dernier trophée à un entraîneur qui nous a tant amené.

Mais le contexte particulier s’est probablement retourné contre nous. Trop d’émotions, trop de pression de finir par une victoire : tant nous les fans, dans cette Marathon-Tor qui nous avait si bien réussi en 2012 contre le Bayern, que les Jungs sur le terrain, sont complètement passés à côté du match. C’est une nouvelle fois en larmes que nous quittons l’Olympiastadion avec un incroyable sentiment de gâchis : ce n’est pas possible, ces sept merveilleuses années ne pouvaient pas se terminer ainsi, par cette soirée ratée, une vraie fin en queue de poisson.

 

« La douleur du départ arrive, cela fait extrêmement mal, » a dit Jürgen Klopp après le match. « Chaque fois que j’ai pris l’un de mes joueurs dans les bras et que j’ai réalisé que c’était peut-être la dernière fois que je le prenais dans mes bras, les larmes venaient immédiatement. Je dois digérer les choses l’une après l’autre. Et je dois les digérer quand je n’ai pas de caméra devant le visage. »

Lors de la triste Party d’après-match, Jürgen Klopp a poursuivi son discours : « Si nous avions gagné aujourd’hui la Pokal, cela aurait été trop kitsch, quelque part trop américain. Ce n’est pas très important ce que l’on pense de nous quand on arrive, c’est très important ce que l’on pense de nous quand on part. »

Si tu as manqué le début:

Adventskalender: Jürgen Klopp

1er décembre : Revolution 09

2 décembre : Une défaite salutaire

3 décembre: Un rendez-vous presque manqué

4 décembre: A la conquête des cœurs

5 décembre: Goldene Zukunft braucht Vergangenheit

6 décembre: Un employé comme les autres

7 décembre: L’apprentissage

8 décembre: Le premier Derby

9 décembre: La désillusion

10 décembre: Les ruelles sombres

11 décembre: L’irrésistible ascension

12 décembre: En route pour la gloire

13 décembre: La consécration

14 décembre: Des lendemains qui déchantent

15 décembre: Doublefeier

16 décembre: A la reconquête de l’Europe

17 décembre: La trahison

18 décembre: Wembley Calling

19 décembre: Le retour sur terre

20 décembre: Hold-up à l’Olympiastadion

21 décembre: La descente aux enfers

22 décembre: Aufholdjadg

Adaptation libre de « Ich mag, wenn’s kracht » Jürgen Klopp. Die Biographie. De Raphael Honigstein, éd. Ullstein extra, 2017.

Catégories : Adventskalender

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