Le 14 avril 2012 se concluait en beauté ce qui fut l’une des semaines les plus folles de l’Histoire du BVB : trois jours après la victoire homérique dans le Spitzenspiel contre le Bayern Munich avec la talonnade de Lewandowski et le pénalty de Robben arrêté par Weidenfeller, le BVB était allé gagner à Gelsenkirchen pour quasiment assurer le Meisterschale. Ce jour-là, en quittant la Turnhalle, nous avions le sentiment d’être les Rois du Monde.

Je dois dire que je n’arrive plus à trouver les mots et je commence à manquer de superlatifs pour décrire ce que l’on vit chaque semaine avec notre équipe du Borussia Dortmund. On se remémore une interview de l’entraîneur Jürgen Klopp après le week-end du titre de la saison précédente : «Au cours de ce week-end, dans le stade, lors de la fête le soir et pendant le défilé en ville le dimanche, je me suis dit plusieurs fois : Je ne vivrai jamais une nouvelle fois quelque chose d’aussi grand dans ma vie ! C’était le point culminant ! Et puis on arrive dans le virage de la rue suivante et tout cela vous submerge à nouveau. (…) De tels moments de bonheur, où en trouvez-vous ? Si vous arrivez à la fin de votre vie et que vous avez connu vingt moments comme cela, vous pouvez dire que vous êtes un homme riche et heureux. Peut-être que moins de vingt peuvent suffire. » C’est un peu ce qu’on ressent en ce moment ; à chaque match, on se dit que ce n’est pas possible, on ne pourra pas vibrer autant chaque semaine et pourtant on arrive au match suivant et c’est à nouveau la même folie et le même bonheur. Après le 4-4 rocambolesque contre Stuttgart deux semaines plus tôt, tous les voyants semblaient au rouge pour le BVB avec le retour en force du Bayern et un calendrier infernal. Et pourtant, en l’espace de huit jours et trois succès contre Wolfsburg, Bayern et Schalke le Borussia boucle sa semaine infernale en ayant écœuré la concurrence et quasiment plié l’affaire.

Cinq ans d’attente

Et pourtant, ce déplacement à Gelsenkirchen pour le 140e Revierderby avait tout du traquenard, quatre jours après la victoire homérique contre le Bayern. Cela faisait cinq ans que les fans de Schalke 04 attendaient ce moment, depuis le 12 mai 2007, lorsque leur équipe avait perdu la tête du classement et le titre au profit de Stuttgart lors de l’avant-dernière journée à Dortmund ; depuis, ils attendaient de faire à leur tour perdre un titre au BVB. Sauf qu’en gagnant contre le Bayern, les Pöhler s’étaient offert le luxe de pouvoir à la rigueur se permettre une défaite à GE. Heureusement : cela nous a évité de trop paniquer au cours d’un début de match à l’avantage des Knappen. Certes, Bender a échoué seul devant le gardien Unnerstall après 36 secondes mais ensuite on a surtout vu Schalke. Lequel a ouvert la marque après un corner mal dégagé et un tir prompt et dévié de Jefferson Farfan. En difficulté, le BVB est tout près d’encaisser le deuxième sur une relance ratée d’Hummels mais Raul choisit de tenter un lob improbable plutôt que de servir Farfan et Huntelaar qui étaient seuls ; le Hollandais en fera le reproche à son coéquipier en conférence de presse. Pourtant, en côtoyant régulièrement Robben en équipe nationale, il devrait avoir l’habitude…

Lukasz Piszczek est magique

Mais le BVB a d’énormes ressources morales et il faut plus qu’une ambiance hostile, une entame de match ratée et un but de retard pour le démonter. Dortmund va revenir sur un corner après lequel le latéral droit Lukasz Piszczek se retrouve en position d’ailier gauche pour armer une splendide volée croisée dans le petit filet opposé. Du mauvais pied, qui plus est. Pas mal pour un joueur qui avait atterri en 2010 à Dortmund par hasard, pour faire le nombre parce qu’il était gratuit en fin de contrat au Hertha Berlin et que personne n’en voulait. Aujourd’hui, il est un titulaire indiscutable et aura pris une part prépondérante dans le sacre qui s’annonce, grâce notamment à cette improbable frappe victorieuse à la 90e à Mainz lors de la septième journée qui lançait la remontée fantastique du BVB. Lequel avait alors huit points de retard sur l’autoproclamé champion d’Allemagne 2011-2012 Bayern Munich…

Sebastian Kehl est magique

Malgré cette égalisation, la domination reste plutôt königsblaue. Huntelaar rate l’immanquable sur un centre de Fuchs, alors que Weidenfeller sauve du pied devant Draxler. Schalke multiplie les corners, treize en tout, pour un seul but. En face, Dortmund la joue plutôt force tranquille, comme mû par l’intime conviction qu’il ne pouvait plus rien lui arriver, qu’il pouvait laisser Schalke s’exciter un moment, avant de porter l’estocade quand il le choisirait. Le BVB ne s’est créé que cinq corners, ça suffira pour marquer deux fois : le but de Piszczek donc, et celui, plein d’opportunisme, de l’emblématique Sebastian Kehl après un contre malheureux sur l’un de ses prédécesseurs au brassard de capitaine du BVB, le traître Christoph Metzelder, qui avait été, avec Alex Frei, le bourreau de Schalke lors du match de 2007 évoqué ci-dessus. On parle beaucoup des jeunes stars du BVB, Götze, Hummels, Kagawa ou Lewandowski mais les deux héros de cette semaine décisive s’appellent Roman Weidenfeller et Sebastian Kehl, tous deux présents depuis 2002 à Dortmund, où ils ont tout connu : la descente aux enfers, la quasi faillite, le ventre mou du classement, la lutte contre la relégation puis la renaissance triomphante entamée depuis l’arrivée de Jürgen Klopp.

La Veltins-Arena est jaune et noire

Autant l’avantage dortmundois après une heure de jeu était flatteur, autant il s’est justifié dans la dernière demi-heure. Car dès qu’il a été mené au score, Schalke a complètement abdiqué, aussi bien sur la pelouse que dans les tribunes. Certains fans sont même partis avant la fin, pour éviter d’avoir à subir les chants de victoire jaunes et noirs en terrain, comme l’an dernier, complétement conquis. Les mecs, ils attendent depuis cinquante-quatre ans de fêter un titre (pendant plus de quatre minutes) et ils doivent au contraire subir le presque sacre de leur pire ennemi dans leur propre stade. En plus, cela ferait le huitième titre dortmundois, soit un de mieux que les sept poussiéreux de Schalke. Tu me croiras ou pas mais je ne voulais pas y aller à ce Derby à la base, je l’ai fait uniquement pour rendre service à un ami et lui éviter de faire trop de bêtises. Sur ce plan là, c’était un peu raté, je n’ai pas réussi à l’empêcher de renverser six bières –soi-disant à cause d’un carton défectueux – sous les acclamations amusées de 200 fans dortmundois ni de nous embarquer dans le faux bus. J’ai juste pu lui éviter de se faire débarquer dudit bus sur une aire d’autoroute perdue à Bochum pour état d’ébriété avancé. Mais au final, je ne regrette pas mon troisième déplacement de la semaine, malgré une légère fatigue : une victoire décisive sur la pelouse du rival héréditaire et la ola à Gelsenkirchen avec Kevin Grosskreutz, l’enfant chéri de la Südtribüne et la bête noire de la Veltins-Arena, ça n’a pas de prix. Sans même parler de la soirée en boîte et du maillot spécial Derby sorti sur la scène, personne n’a rien compris.

La ville jaune

Un autre moment savoureux, ce sont les déclarations rageuses d’Uli Hoeness sur Sky contre le BVB. Eh oui, Uli, même ton entraîneur a abdiqué en faisant tourner l’effectif contre Mainz et du coup tes superstars planétaires se retrouvent à huit points de l’équipe « sans joueur de classe mondiale » du BVB. A trois matchs de la fin, cela devrait suffire et ce dès samedi prochain contre Mönchengladbach pour fêter le titre à domicile lors de l’antépénultième journée. Comme l’an dernier. On a beaucoup de respect pour ce que fait Lucien Favre à Gladbach et s’il y a un entraîneur qui sait comment faire déjouer Jürgen Klopp en Allemagne, c’est bien Lulu. Mais on ne l’imagine pas venir gâcher la fête. Samedi, toute la ville sera jaune, des maillots des passants, avec ou sans billets pour le match, aux devantures des boutiques en passant par l’eau des fontaines et les balcons des immeubles. C’est tout un peuple qui sera en ébullition pour, si tout va bien, un énième moment de grande émotion afin de célébrer « unser ganzes Leben, unser ganzes Stolz, nur der BVB ».

FC Schalke 04 – Borussia Dortmund 1-2 (1-1).

Veltins-Arena, 61’673 spectateurs (guichets fermés).

Arbitre : M. Gräfe.

Buts: 9e Farfan (1-0), 17e Piszczek (1-1), 63e Kehl (1-2).

Schalke 04: Unnerstall; Uchida (86e Marica), Papadopoulos, Metzelder, Fuchs; Moritz (68e Höger), Jones; Farfan, Raul, Draxler (71e Pukki); Huntelaar. Entraîneur: Huub Stevens.

Dortmund: Weidenfeller; Piszczek, Hummels, Santana, Schmelzer; Gündogan, Bender (46e Kehl); Blaszczykowski (81e Perisic), Kagawa, Grosskreutz (89e Owomoyela); Lewandowski. Entraîneur: Jürgen Klopp.

Cartons jaunes: 10e Farfan, 34e Fuchs, 55e Kehl, 83e Jones, 87e Schmelzer.

Notes: Schalke sans Fährmann ni Hildebrand (blessés), Dortmund sans Koch ni Subotic, (blessés).

Classements (31 matchs): 1. BVB 72 2. Bayern 64 3. Schalke 57 4. Mönchengladbach 56 5. Stuttgart 49 6. Leverkusen 45 7. Hanovre 44 8. Brême 42 9. Hoffenheim 41 10. Wolfsburg 40 11. Nürnberg 38 12. Mainz 37 13. Freiburg 36 14. Hamburg 34 15. Augsburg 33 16. Köln 29 17. Hertha 28 18. Kaiserslautern 20.

Catégories : Au StadeRetro

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